jeudi 26 novembre 2009

Vide et haut : quelqu’un a dit à David Bowie


Les progrès technologiques, ça a du bon. Paraît-il. Ainsi, en 2009, si on se pose la question Tiens, mais que devient donc ce bon vieux David Bowie ?, il suffit d’aller faire un tour sur le site de Google News et de taper les 10 lettres de ses nom et prénom dans la fenêtre. Comme par magie apparaissent alors les articles les plus récents sur le Thin White Duke.

C’est ce que j’ai fait hier. Bonne nouvelle : le papa de Ziggy a l’air de bien se porter. Tellement bien que les dernières photos de paparazzi le montrent élégant, déambulant les rues de New York au bras de madame, tout droit sorti d’une affiche pour H&M. Mais tout ça ne nous dit pas si David Bowie est bel et bien en train d’enregistrer un nouvel album à Berlin, comme le prétendaient les rumeurs.

On affine donc la recherche, en ajoutant le mot album. Et là, horreur ! Je tombe sur un article sur elle, celle dont je ne prononcerai pas le nom. Et cette phrase cruelle, douloureuse comme un pieu en plein cœur :

Selon le magazine Le Point, David Bowie lui aurait également passé commande d'un texte pour une nouvelle chanson.

Si tu veux savoir de qui il s’agit, clique ici. Mais crois-moi : tu ne veux pas savoir. Je décline toute responsabilité si tu fais un choc anaphylactique.

Finalement, les progrès technologiques, ça n’a pas que du bon. Alors je préfère me replonger dans cette vidéo, datant de 1979 et tirée d’un DVD japonais. On y voit un Bowie fantomatique, spectral, à peine humain, livrer une prestation magistrale de ce qui selon moi reste l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre : Station To Station. On ne sous-estimera pas non plus la guitare d’Adrian Belew, dont émanent des sons d’une autre galaxie.





Et pour l’autre, elle, on se contentera de la parodie, tellement mieux que l’original.



Le lien, quand même

www.davidbowie.com

lundi 16 novembre 2009

Morphine - At Your Service


Il paraît qu'on est censé se souvenir toute sa vie de l'endroit où l'on se trouvait à l'instant où nous avons appris un événement majeur de l'Histoire: la chute du mur ou des tours, le décès du Roi Baudouin, le jour où Daniel Ducarme est devenu ministre de la Culture.

Dans ma bio, on retiendra que je me rappellerai toute ma vie les circonstances exactes dans lesquelles j'ai appris le décès de Mark Sandman, le leader de Morphine qui succomba en 1999 d'une crise cardiaque qui le frappa en plein concert en Italie. A l'époque, avec mon fidèle compagnon Cheveu, passé depuis lors à la postérité grâce à son célèbre coup de poignet, nous nous étions dégoté un petit boulot d'étudiant aux Agences et Messageries de la Presse (l'AMP), dans le Brabant flamand. C'est à cette époque que j'ai appris qu'il existait deux grandes catégories de boulot: ceux où l'on se lave les mains après avoir été pisser et ceux où on se lave les mains avant de sortir Popol. Le job à l'AMP appartenait définitivement à cette dernière.

Chaque matin, on se levait à 5 heures et un apprenti Fangio nous emmenait de Cuesmes à Lot, pour une petite heure de route à bord de sa vieille Daewoo. Notre chauffeur n'était pas le plus doué de la planète. Visiblement complexé dans son rôle de mâle inachevé, il ne supportait pas qu'une voiture le devance sur l'autoroute. Fonçant malgré nous parfois à 180 à l'heure, au son des vieilles cassettes d'Eddy Mitchell de notre hôte, Cheveu et moi serions bien redevenus catholiques si cela avait pu nous éviter de laisser notre peau quelque part sur l'E19.

A l'usine, Monsieur Bolle, le contre-maître, réunissait tous les ouvriers dans un hangar crasseux pour répartir les tâches. Cheveu et moi, nous nous ramassions toujours la table des « invendus »: les magazines périmés qui rentraient de la librairie parce qu'ils n'avaient pas trouvé acquéreur et qu'il fallait classer par titre pour pouvoir les revendre plus tard dans des supermarchés.

Ici, j'entends déjà ton étonnement: « Mais qui va aller acheter un vieux Téléstar? » Les programmes TV ne tombent évidemment pas dans la catégorie des « invendus réutilisables ». On parle ici des magazines de décoration et de bricolage, de mots croisés et d'autres périodiques susceptibles d'être repackagés une fois l'été venu pour des offres promotionnelles du style « 5 magazines pour 5 euros à lire sur la plage ».

En réalité, les « invendus réutilisables » sont, dans 90% des cas, des magazines pornographiques. Quand le gros Bolle nous envoyait à la table des invendus, les premiers jours, on se disait « Cool, on va se rincer l'oeil toute la journée! » Mais après avoir trié et empilé par tas de 20 des milliers de Piss Parade, Juicy Tits ou Fist Party, c'est surtout la nausée qui nous frappait à la vue de ces mêmes blondasses siliconées posant en couverture en train de se raser le minou au Gillette ou occupées à tailler autre chose qu'un crayon.

Un jour, Cheveu rappliqua à la pause pipi avec la DH du matin: « Le leader de Morphine foudroyé sur scène ». En lisant l'article, nous y apprenions que Mark Sandman venait de passer l'arme à gauche. Voilà comment Morphine m'évoquera toujours l'image de ces nanas réduites à un tas de chair censées faire bander le conducteur de la Daewoo qui, le soir aussi, continuait à nous gaver les burnes avec l'ancien chanteur des Chaussettes Noires.

Cette longue introduction pour attirer ton attention sur la sortie d'une double compilation à l'occasion du 10e anniversaire (déjà!) de la mort de Mark Sandman. At Your Service réunit une petite quarantaine de titres inédits, de démos et d'enregistrements live de Morphine qui restituent avec précision l'univers unique du groupe qui signa avec le single Early To Bed une des plus belles odes au strip tease jamais écrites. Pour la petite histoire, le titre de la compilation fait référence aux entrées du groupe sur scène: « We are Morphine, at your service. »

Autour de son sax, de sa basse à 2 cordes jouée au bottleneck, de sa batterie et de la voix un peu ronflante de son leader, Morphine restera à jamais un groupe audacieux et inclassable, d'une intégrité sans la moindre fissure, capable de prestations aussi bluffantes que celle que tu trouveras ci-dessous. At Your Service est un must pour cette fin d'année.



jeudi 5 novembre 2009

Carl - Où poser des yeux ?


Il faudra un jour que je consacre un post entier au travail remarquable du label bruxellois Humpty Dumpty Records. Neuf sorties jusqu’à présent, à chaque fois sélectionnées avec la rigueur d’un diamantaire anversois, tel l’Homme de Del Monte qui goûtait chaque ananas avant d’autoriser ses ouvriers à les mettre en boîte. Le catalogue d’Humpty Dumpty Records propose ainsi désormais une petite dizaine de perles, à l’emballage toujours extrêmement soigné, dans des styles aussi divers que le folk mélancolique d’Half Asleep, le jazzcore de K-branding, les chansons de Françoiz Breut ou les ambiances brico-électro de Tangtype.

L’album de Carl est la huitième sortie de la maison, qui a entre-temps publié Y.E.R.M.O, disque abstrait composé d’ambiances atmosphériques et bruitistes. Carl est un phénomène assez déconcertant, chanteur-auteur-dessinateur habité qui déclame ses textes écrits sur du papier de verre, tantôt en mode slam (Le Chien), tantôt sur une ballade rock qui toussote (Mes amis vont mal), toujours avec une profondeur corrosive qui met mal à l’aise.

L’ensemble donne treize histoires qui vont t’ensevelir, brûlantes, dangereuses, dures ou nauséabondes. L’écoute d’Où poser les yeux reste une expérience exigeante, assez mystérieuse tant les textes se révèlent d’une richesse insondable, parfois éprouvante (l’étouffant Ma maison me mangera). Les rares instants de légèreté (les premières minutes de Caillou) sont vite balayés par un chant qui passe au-dessus de la berme centrale pour poursuivre sa route à contre-sens. Psalmodiée sous de faux airs latino-kitsch, La Pelouse sombre à son tour dans la violence du verbe et on bondit vers le bouton pause quand la petite débarque dans la pièce en demandant innocemment "Papa ? La musique ? La musique ?"

Difficile d’associer une autre couleur que le noir à cet album qui évoquera les côtés les moins fréquentables de Dominique A, Daniel Hélin, Léo Ferré,… voire un Didier Super à prendre au 1er degré, un Czerkinsky (Promenade) sorti d’une prison turque ou carrément un TTC lesté au Lysanxia.

En moyenne, j’évoque ici un album en français par an, pas plus. Cette année, ce sera celui de Carl. Une vraie gifle à l'heure où des canailles endimanchées vendent aux belles-mères des camions entiers de banalités récitées sans le moindre talent, sans doute pour mieux leur faire passer le choc des premiers symptomes de l'Alzheimer.

Les liens :

Carl sur MySpace : http://www.myspace.com/carlclebard

Humpty Dumpty Records sur MySpace : http://www.myspace.com/humptydumptyrecords

Commander l'album : http://humptydumptyrecords.blogspot.com/

mercredi 4 novembre 2009

Walking Dead : zombie or not zombie ?

Tenir le lecteur en haleine avec déjà neuf tomes autour d'une histoire de zombies, ça mérite d'être souligné. C'est le pari relevé par Robert Kirkman et Charlie Adlard avec l'impressionnante série Walking Dead. Les premières planches avaient pourtant de quoi laisser perplexe : un flic qui se prend une balle, qui reste de longs jours dans le coma, qui se réveille dans un monde infesté de morts-vivants et rejoint un campement de rescapés qui s'organise pour survivre malgré la présence d'occupants affamés et puants. Mais c'est le pitch de 28 Days Later ???

J'aurais pu en rester là mais ma curiosité légendaire m'a poussé à aller au moins jusqu'au terme de ce premier tome. Résultat : le lendemain, je courais chez le libraire pour avaler les trois suivants, puis la suite, la suite, la suite !!!

Kirkman aurait pu se contenter de décrire la lutte pour la survie au milieu des morts-vivants, comme dans l'imbuvable Guide survie en territoire zombie de Max Brooks. Or ce n'est absolument pas le propos ici. Plus on avance dans la série, plus on en arrive à oublier ce qui semblait être le noeud de l'intrigue : les zombies. Page après page, les goules deviennent un élément de décor et Kirkman laisse ses personnages complexes sombrer dans leurs angoisses, se déchirer et... s'entretuer. Quand un mort-vivant surgit dans le noir pour croquer un cou tout chaud, c'est pour souligner la bêtise ou l'aveuglement des quelques "survivants" de cet enfer sur terre.

L'autre grande force de cette série, c'est qu'aucun personnage n'est assuré de tenir jusqu'au bout. Certains imprudents ou malchanceux nous quittent, d'autres arrivent et ne connaissent pas forcément un meilleur sort. A chaque épisode, ce sont plusieurs malheureux du groupe de survivants qui y passent... et souvent ceux qu'on croyait pourtant à l'abri. Femmes, enfants, personnages qu'on imaginait "centraux", tous ou presque se font zigouiller sans pitié, et de préférence dans d'atroces souffrances. Au point qu'en entamant un nouvel épisode, on arrive à franchement douter du sort de Rick, le personnage-clé de la série. Tiendra-t-il jusqu'à la fin du dernier tome ? Je suis prêt à parier que non.

On suit donc ces rescapés qui tentent de s'organiser dans ce monde sans règles... et perdent tous un peu la boule, au sens propre comme au figuré. Entre deux discussions pour savoir qui est le vrai chef, du sang gicle. Entre deux excursions pour trouver des provisions, de la chair explose. Et avant de faire dodo bien sagement, on brûle des corps ou on dégomme à la hache des cadavres qui marchent encore. Le scénario est truffé de retournements, chaque épisode apporte un élément neuf qui évite au récit de stagner. Le 9e volume met d'ailleurs le paquet pour relancer l'intérêt de l'histoire.

Quand deux groupes de survivants se croisent, alors qu'on se dit qu'ils vont enfin sortir du trou, la rencontre tourne immanquablement au jeu de massacre : meurtres, mutilations, suicides, viols, tortures, certaines scènes sont même à la limite du supportable. L'art de la tuerie atteint des sommets à la fin du tome 8, une telle boucherie que les auteurs ont cru bon d'intituler le suivant Ceux qui restent, comme pour nous rassurer.

Et comme si ça ne suffisait pas, la série bénéficie de splendides couvertures qui rendent à merveille la tension des pages intérieures... et me mettent l'eau à la bouche à chaque nouvelle sortie. Le neuvième tome vient de sortir, je l'ai évidemment dévoré et je suis déjà en manque.

Si tu n'es pas encore convaincu, je sors cette réplique du tome 9, digne d'Audiard : "Le problème avec les mecs qui sont loin d'être cons, c'est que parfois ils ont l'air complètement cons aux yeux de ceux qui le sont vraiment."

Alors ? T'attends quoi ?

Les liens :


Lire le 1er tome en ligne (en anglais)
La série sur le site des Editions Delcourt
La série sur MySpace