mardi 25 mai 2010

Tunng - And then we saw land

Prendre un coup de vieux, à deux semaines de mon 31e anniversaire, c’est aussi réaliser que Tunng en est déjà à son 4e album… alors que je n’avais même pas remarqué la sortie du 3e. C’est aussi prendre la mesure du chemin parcouru depuis ce fabuleux premier single Tale from Black sorti quelque part en… 2004. Comme si c’était hier.

Ce nouvel album de Tunng, à mon avis, c’est le meilleur jusqu’à présent. Avec ce soleil qui perce de nouveau, ce disque fait l’effet d’une douche bien glacée après une rude journée. Un truc léger qui emporte avec lui tous les soucis du quotidien. Une sorte de roulé boulé dans une prairie qui sent l’humidité et la fraîcheur d’une nuit d’été.

Cet album suit une narration surprenante. Après une entrée en matière truffée d’hymnes à la bonne humeur (Hustle et surtout Don’t look down or back), Tunng s’aventure dans des méandres moins évidents. Le côté très maîtrisé des premières compositions se dilue dans des structures qui se compliquent, qui s’éloignent des arpèges de guitare purs et durs et se dissimulent derrière quelques machines qui s’invitent là où on ne les attendait peut-être pas.

Reste le grain de voix inimitable d'un chanteur qui semble incapable de s’exprimer autrement qu’en chuchotant. Ce qui rend la musique de Tunng justement tellement… nocturne et aérienne.

A regarder : Hustle

Les liens :

vendredi 14 mai 2010

Wovenhand – The Threshing Floor

Fidèle à une image aussi opaque que le noir de ses chemises, David Eugene Edwards reste une des grandes énigmes de la musique folk américaine. Auteur de certaines des plus belles perles des années 90 avec 16 Horsepower, il s’obstine depuis 2000 avec un Wovenhand qui peine à convaincre sur disque. Jusqu’à présent, seuls les albums Consider The Birds et Mosaic étaient parvenus à approcher le sublime des temps jadis.

Même constatation avec The Threshing Floor, encore tout chaud dans les bacs et à mon humble avis le moins bon de tous les albums de Wovenhand. Trop produit, trop mal produit ou justement trop bien produit ? Il n’en demeure que sur disque, David Eugene Edwards s’éparpille derrière des artifices qui diluent justement le cœur de sa musique : des notes et des textes censés lui sortir des tripes mais qui percent mal un brouillard d’effets sonores reproduisant (plutôt mal) des ambiances de marche militaire du XIXe siècle, des univers inspirés de la musique native américaine, voire carrément certaines harmonisations médiévales.

Le verdict est sans appel : d’une oreille ou de l’autre, The Threshing Floor est une immense déception, même si tout n’est pas à jeter aux orties. On pourra toujours retenir la splendide ballade Singing Grass (et dans une moindre mesure His Rest) qui se démarque justement par son côté très dépouillé. Et éventuellement le titre The Threshing Floor qui, sans être transcendant sur l’album, s’est révélé d’une puissance phénoménale sur scène… Et oui : nous voilà arrivés à la question cruciale : et en live, ça donne quoi ?

Wovenhand était de passage à l’AB ce mercredi. Le cœur serré de cette nouvelle déception sur CD, j’y allais la tête pleine de doutes. Il n’aura fallu qu’une poignée de secondes au prêcheur du Colorado pour remettre l’église au milieu de la scène. Le cul qui ne tient plus en place sur son tabouret, David Eugene Edwards y revisite son répertoire avec toute l’énergie et le mysticisme qu’on est en droit d’attendre de la part d’un musicien aussi possédé. Le corps traversé de secousses, il offre en concert une lecture nettement plus brute et intense de ses compositions. Malgré les tensions qui ont mené à la séparation de 16 Horsepower, le bassiste Pascal Humbert reste fidèle au poste. Sur les planches, l’alchimie est parfaite : ce dernier, absorbé par sa musique, ne fait plus qu’un avec son instrument, le regard perdu entre ici et là-bas. Quant à David Eugene Edwards, si ses yeux ne se révulsent plus comme à la grande époque, il s’extirpe toujours avec autant de passion. Les mains tremblantes, il exécute chaque nouvel accord de guitare comme un spasme qui lui serait dicté d’ailleurs.

D’où cette constatation un peu amère : comment un groupe aussi puissant sur scène parvient-il à foirer avec autant de dextérité le résultat sur album ? Une énigme, je te disais…

A regarder : un petit concert acoustique privé (et la fameuse "banjoline")



A écouter : Singing Grass



Les liens : 

Le site officiel
Sur MySpace
Lilium (Pascal Humbert)
Le label Glitterhouse

lundi 10 mai 2010

20 ans déjà...


Si je me souviens bien, j’ai fait mes premiers pas dans l’univers impitoyable de Ninja Tune avec l'indispensable triple compile Xen Cuts, qui célébrait les 10 ans du label britannique. A l’époque, on connaissait surtout les grandes pointures : Coldcut, The Herbaliser, Amon Tobin, Kid Koala, etc. Mais derrière les as des platines, se cache aussi toute une nuée d’artistes que j’ai rapidement appris à apprécier : la drum’n’bass nerveuse d’Animals on Wheels, le jazz sophistiqué du saxophoniste Chris Bowden, le rock psyché de Super Numeri (et puis le glam rock de son bassiste Pop Levi), l'electro déglinguée de Hexstatic, les premiers pas de Roots Manuva, les samples retro des Polonais de Skalpel, le funk latino de Homelife, l’acid lounge de Bonobo, les improvisations de Pest, le hip hop très orienté rock de Blockhead et Sixtoo, les sons synthétiques de Jaga Jazzist, les envolées de Cinematic Orchestra, le folk adouci de Fink, j’en passe et des meilleurs.

Dans chaque style, Ninja Tune a toujours sélectionné le gratin du gratin, avec cette même soif d’expérimentation et ce souci du travail bien fait. C'est peu dire que d'affirmer que ce label a énormément contribué à m'éveiller aux plaisirs des musiques électroniques...

Et puis voilà que tombe la nouvelle qui ne va pas nous rajeunir : Ninja Tune soufflera ses vingt bougies le 20 septembre prochain. Pour célébrer l’événement, le label a mis les petits plats dans les grands : une série de compilations de titres rares et inédits feront prochainement leur apparition dans les bacs. Et pour patienter, on a droit à un site dédié qui proposera régulièrement différents morceaux inédits et remixes en téléchargement gratuit. A côté de ça, les concours et autres happenings se multiplieront jusqu’à la date ultime du 20 septembre. On est gâté.

A suivre de près…

A regarder : la mise en bouche




Les liens : 
www.ninjatune.net
www.ninjatunexx.com

www.myspace.com/ninjatune

samedi 1 mai 2010

Keiki - Waltham Holy Cross


Keiki, pour moi, c’est une histoire à l’envers. Ou plutôt une histoire de trucs qui tournent à l’envers. Keiki, j’ai découvert via l’autre projet de sa Dominique de chanteuse : BabyFire croisé en live il y a quelques semaines à Bruxelles. Ce soir-là, ayant allègrement dépassé la frontière raisonnable des trois gin tonic par apéro, je me permis après le concert d’apostropher ladite Dominique, armé d’un compliment aussi sincère que maladroitement énoncé : « Puisque tu as une super voix, pourquoi est-ce que tu ne l’utilises pas ? »

Ou comment mettre les pieds dans le plat quand le cerveau et la langue baignent encore dans une flaque de Schwepp’s amélioré et que les iris lorgnent méchamment sur l’intérieur des paupières. Mais manifestement, Dominique n’est pas du genre à se vexer ou à courir derrière les éloges courtois, creux et insipides. Maladresse n’est pas affront, même si en reprenant mon train ce soir-là, je me sentais particulièrement malotru, une sorte de grossier merle donneur de leçons parfumé au London Dry.

Quelques semaines plus tard, Keiki se produisait sur la scène du Magasin 4. Hasard du calendrier, il fallait de nouveau que j’arrive sur place avec quelques bières et une demi-bouteille de pinard derrière la cravate. Après un concert intense et impeccable, je vais m’acheter l’album et en profite pour dire à Dominique tout le bien que j’en ai pensé… mais ne peut m’empêcher d’adresser une nouvelle critique, cette fois à l’égard d’une reprise de Black Sabbath qui ne me semblait pas être le meilleur choix.


Rustre : adj. Du latin « rusticus », rustique ; de « rus », la campagne. Qui est très rustique, très grossier. Se dit d’une personne qui manque d’éducation.

Ultime épisode de cette trilogie de la vulgarité passée en marche arrière (le side project, le concert, puis seulement le disque) : l’écoute de Waltham Holy Cross, le deuxième album du duo bruxellois. Les 17 chansons sont ici présentées comme de la pop satanique. Une rapide recherche m’apprend que la pop satanique trouve ses origines dans la musique des Beatles, dont les messages subliminaux qui n’étaient perceptibles qu’en passant les disques à l’envers invoqueraient la parole de Belzébuth lui-même. Charles Manson s’en serait même inspiré pour perpétrer ses crimes sanguinolents.

L’honnêteté me pousse à avouer que je n’ai pas fait l’effort de passer l’album de Keiki à l’envers pour vérifier s’il dissimulait des discours de Daniel Ducarme ou des interviews de Justine Hénin. Mais à l’endroit en tout cas, c’est déjà renversant. Difficile de ne pas rapprocher le timbre de Dominique à celui de PJ Harvey (ou même à celui de Tori Amos, mais c’est peut-être la couleur de cheveux qui fait ça). Ses textes toisent une guitare qui passe du rock au ROCK et puis au ROCK, et sautillent au son d’une boîte à rythmes synthétique. Moi, personnellement, j'ai une petite préférence pour le titre Vital.

Alors, vraiment satanique la pop de Keiki ? Oui, si Satan vient de Mars, parce que moi, cette musique, je la qualifierais plutôt d’extraterrestre. Mais c’est peut-être l’effet du Theremin, cet engin diabolique (ah, nous y voilà !) qui rappelle le bruit des soucoupes volantes des films de série Z en noir et blanc. Tu te souviens, ces assiettes en porcelaine où on voyait encore les fils qui les faisaient tourner en rond quand étaient censés débarquer les Aliens ?

Conclusion : une trilogie peut-elle avoir un quatrième épisode ? Oui, ça s’appelle un épilogue, me souffle-t-on dans l’oreillette. Verdict hier soir, puisque Keiki avait l’immense honneur d’ouvrir pour Enablers. J’y croise Dominique et lui annonce que j’ai écouté l’album, ponctuant ma phrase d’un silence marqué.

Et alors ?

J’ai beaucoup aimé.

De l’avantage d’être à jeun de temps en temps.  

A regarder : Ironing Man
 



A regarder : une leçon de Theremin



Les liens :