dimanche 20 mars 2011

David Eugene Edwards - The Preacher


Peut-être que, comme moi, tu n'as pas la télé. Peut-être que, comme moi, tu manifestes une étrange attirance pour la musique de David Eugene Edwards. Peut-être que, comme moi, tu regardes parfois des documentaires sur le net pendant que d'autres s'extasient devant trois connards qui apprennent à faire la bouffe devant des caméras. Peut-être que, comme moi, tu viens de découvrir qu'il était possible de foutre un cd en l'air uniquement en l'écoutant trop souvent. Et peut-être que, comme moi, tu n'es pas étonné de constater que c'est justement un cd de 16 Horsepower que tu vas devoir aller racheter parce qu'il saute tout le temps.

Peut-être que tu te demandes d'où vient cette mystérieuse fascination pour cette musique de cow-boys du Colorado, toi qui, comme moi, n'as aucune sympathie particulière pour la musique country.
Peut-être que tu te demandes si tu n'es pas en train de virer catho, à force d'entendre ces prières à longueur de journée.
Et peut-être que, comme moi, tu n'as toujours pas digéré la dissolution de 16 Horsepower, tournant majeur, pour toi aussi, dans l'histoire du rock. Tournant que tu peines également à expliquer.

Mon ami(e), aujourd'hui ce blog se transforme en télé pour toi.
Je te propose de découvrir un documentaire unique, tourné en 2000 par une chaîne néerlandaise, entièrement dédié à David Eugene Edwards : The Preacher.

A un moment, on le voit bouffer. Mais ne t'inquiète pas. Personne ne lui attribuera de cote pour sa tambouille à la fin de l'émission. Je me suis quand même permis de noter sa musique : je lui ai mis un 10/10 pour l'authenticité.











Les liens

David Eugene Edwards entame bientôt une tournée européenne en solo. Il passera notamment au festival Roots & Roses de Lessines le 1er mai prochain et à la Toneelhuis à Anvers le 30 avril.

http://www.wovenhand.com/

http://www.myspace.com/wovenhand

dimanche 6 mars 2011

Lumerians - Transmalinnia


Il y a quelques mois, une mystérieuse vidéo s’est mise à circuler d’email en email. “Mate un peu ça et ose dire que ce n’est pas de la balle.” Le clip en question montrait une bande d’allumés, fringués comme les bourrins de Sunn O))) invités à une soirée déguisée sur le thème de Fantomas. Une présentatrice, les cuisses à l’air, y introduisait les Lumerians, sombres inconnus venus interpréter deux titres dans un play-back outrancier. Mais bon dieu, ce premier morceau, quelle putain de claque ! Voici ce que ça donnait :


Depuis lors, les Lumerians ont sorti un single, Burning Mirrors, qui trônait d’ailleurs bien fièrement sur ma compile 2010 et a scuscité quelque enthousiasme parmi mes proches. Début mars, ils ont enfin publié leur premier album. Album sur lequel figure le fameux titre entêtant de la vidéo, avec sa ligne de basse galopante : Black Tusk.

Les Lumerians, c’est bien plus qu’un énième groupe de revival psyché. Si tu lis ce blog depuis quelques temps, tu en as déjà vu défiler à la pelle. Non, les Lumerians, c’est THE groupe psyché, celui qui domine tous les autres d’une bonne tête (encapuchonnée). C’est THE groupe qui fusionne à merveille 40 années de tout ce qui a influencé la musique pop de près ou de loin : rock, glam, disco, soul, electro, kraut, new wave. Et même un petit côté yéyé. Un petit côté BO de film avec Jean Yanne dans un col roulé. Un petit côté “Tiens, c’est marrant, ça sonne moins bizarre quand je prends plein de drogues.” Un petit côté “Je n’arrive pas à expliquer pourquoi je remue du cul en agitant les bras en l’air, mais au ralenti. Et je n’arrive pas non plus à expliquer pourquoi je me sens si léger.”

Les Lumerians, c’est aussi des chansons aux titres improbables. Comme Xulux, Hashshashin ou Calalini Rises. Autant de titres sur lesquels on s’égare volontiers, aux sons d’un synthé analogique qui dévale entre des lignes de basse têtues et parfois, au loin, mais pas toujours, un chant processoral, monotone, paresseux. Pour ajouter un peu de piment, on retrouvera ici et là une guitare qui penche carrément du côté du Velvet Underground.

Les Lumerians, ce serait la bonne surprise de ce début d’année, si la vidéo de Black Tusk (de loin le meilleur morceau de l’album) n’avait pas déjà préparé le terrain. On y retrouve quelques pépites à danser (au ralenti, toujours), mais aussi des titres plus bruyants, plus nerveux, voire carrément bordéliques (Longwave), le tout, saupoudré de cette saveur de vieux film de flingues dans lequel le méchant porte des gants en cuir noir (Hashshashin et sa guitare funk qui rappelle les compilations de  musiques de polars italiens des années 70 comme Beretta 70).

(parenthèse n°1 : Goblin - Via della droga sur la compile Beretta 70) :



Comme j’aime bien ramener ma fraise et montrer que je connais des groupes que personne n’écoute, je n’hésiterai pas à citer en référence Super Numeri ou Silver Apples (en particulier sur le titre Melting Space).

(parenthèse n°2 : Silver Apples - Lovefingers - 1968)



Je conclurai par un appel du pied discret à mes amis programmateurs : les gars, il faudrait peut-être penser à inviter les Lumerians cet été. Je veux absolument voir ces mecs sur scène.     

A regarder Une petite dernière pour la route : Hashshashin (live et filmée avec les pieds)




Les liens
Sur Knitting Factory Records
Sur MySpace

(Petit détail, mais est-ce bien la peine de préciser ? L'album est commandable en vinyle édition limitée, avec code immédiat pour télécharger la version électronique.)

mercredi 2 mars 2011

L'Enfance Rouge - Bar-Bari


Il est très rare que je parle d’artistes qui chantent en français. Ce n’est pas du racisme, ce n’est pas non plus pour rappeler le caractère profondément flamand du rock, c’est juste que des groupes qui chantent en français, je n’en écoute pas beaucoup. Je me souviens, encore gamin, avoir lu une interview (de Noir Désir?) dans le TéléMoustique de mes parents, interview dans laquelle l’artiste (Bertrand Cantat?) rappelait à quel point chanter en français pouvait s’avérer pénible, à cause de toutes ces consonnes. Il n’avait pas tort.

Je ne suis pas linguiste, mais il me semble que cette avalanche de consonnes constitue précisément le coeur-même de la richesse de la langue française. Il suffit d’écouter un Américain – par exemple – risquer de perdre son dentier en voulant prononcer correctement le nom de Gérard Depardieu pour mesurer toute la difficulté à parler notre parlage. Et si c’est difficile, alors c’est beau. Règle mathématique qui vaut pour toutes les langues, sauf l’Allemand évidemment. Vous ne me surprendrez jamais à louer le verbe de l’occupant.

Si j’aime L’Enfance Rouge, c’est justement parce que c’est un des seuls groupes qui capitalisent à ce point sur la surpondération des consonnes dans la langue française. Ou tout le moins qui ne la nient pas en essayant d’imiter vaguement l’anglais en marmonant peu ou prou chaque mot du Robert qui, s’il est mâchouillé, libère une délicate saveur de rosbif.  A vrai dire, c’est peut-être le seul groupe qui chante en vrai français. Le Français, jeune homme, ça se crache, ça se déglutit et ça coince les portes.

C’est ce que François Cambuzat, guitariste chanteur de ce trio franco-italien, a bien compris. La preuve avec le merveilleux Palais Bourbon, sorti en 2005 sur l’album Krsko-Valencia.



Avec Bar-Bari, cuvée 2011 de L’Enfance Rouge, cette bande de renégats (ils en sont à leur 7e ou 8e album, on ne sait plus très bien, tous sortis en édition ultra-limitée) enfonce une nouvelle fois le clou. Bien pointu, bien profond, bien rouillé. Les premiers mots de Cambuzat annoncent la couleur sur Perquisitions.

Emasculons la bête
En urgence circonstanciée
L’acier est d’une secrète
Beauté

Pour la dentelle, les frou-frou et l’intro en douceur, on repassera. C’est une entrée en matière version bélier qui cède la parole à la bassiste Chiara Locardi pour la deuxième salve de l’album: l’introverti Grande – Survie. Réplique italienne de Kim Gordon, elle y déclame, raide et figée, une complainte à la voix tellement écaillée qu’elle convaincrait Jeanne Moreau de doubler Alvin et les Chipmunks.

La suite reprend le chemin d’un rock sanguinaire et militant. Avec en invité surprise, un certain Bertrand Cantat venu psalmodier les vers de Tostaky sur Vengadores. Contraste éloquent, entre d’une part, celui qui fut adulé avant de chuter et, de l’autre, une formation dont le succès reste confiné à quelques cercles d’intellos punk privilégiés. Cantat semble y retrouver la spontanéité perdue sur des plateaux TV ou les scènes des grands festivals. On n’y croyait plus. On le sent presque ému.

Le reste de l’album poursuit sur les voies impénétrables d’un rock crasseux, d’une poésie noire et d’arrangements teintés d’influences orientales. Une bonne moitié de ces titres se trouvait déjà sur l’album précédent, mais sont livrés ici dans un emballage épuré, une sorte de retour à la nature profondément électrique de L’Enfance Rouge.

Du vrai bonheur pour les oreilles.
Je l’écoute en boucle, encore et encore.

Les liens : 

Le site officiel
Commander sur Wallace Records
Commander chez Mandai Distribution

mardi 1 mars 2011

PJ Harvey - Let England Shake

Chère Polly Jean,

Je sais que je ne t’ai pas toujours été fidèle. Je sais que j’ai parfois écrit des choses un peu délicates à ton sujet. Je sais que la phrase “PJ déclenche des réactions hormonales tellement violentes dans mes sous-vêtements que je pourrais remplacer un pneu crevé d’une petite camionnette sans devoir utiliser le cric” n’était pas des plus subtiles. Elle a fait couler beaucoup d’encre, de larmes et de sang. Mais c’était la stricte vérité.

Soyons francs, ma jolie: ton White Chalk ne m’a jamais vraiment plu. Cette craie blanche, directement adressée à la cause de mes sinusites chroniques, m’a fait l’effet d’un couteau dans le dos. Tu t’y perdais dans d’insensées parades nuptiales, prétextes désespérés pour attiser ma jalousie. Moi, frêle esquif à la dérive, j’en regardais d’autres. Toi toujours accrochée à une passion qui n’était plus, mais incapable de l’assumer. Tu as logiquement détourné le regard. Tu en as vu d’autres. Tu n’as pas remarqué que mon coeur ne battait toujours que pour toi, malgré les prescriptions de Flixonase qui s’accumulaient sur ma table de nuit.

La différence d’âge (à peine dix petites années) n’a jamais pesé dans la balance. Tu t’époumonnais sur scène et en studio. Moi, je noyais mes instabilités psychiques et affectives dans le jeu, la drogue, la mandarine Napoléon et des Sud-Américaines de petite vertu.

La vertu, parlons-en justement. Polly, la blancheur de ta peau n’a d’égal que la noirceur de mon âme. Le rouge de tes lèvres me rappelle sans cesse cette hémoglobine épaisse qui coulait le long de ton menton le jour où tu plantas tes crocs dans mon ventricule gauche.

Polly, je t’en prie, ravise-toi. J’étais un idiot. J’ai changé. Ton Let England Shake m’a changé. Il m’a ouvert les yeux que je n’ai que pour toi. Comme un quadruple pontage coronarien. Tu y as retrouvé toute ta splendeur d’antan. Mais l’avais-tu jamais perdue?

Polly, reviens. Oublie Nick, ce rival mal éconduit. Il ne sait plus quoi inventer pour te récupérer. L’épisode de la pornstache n’en est que plus lamentable.

Je t’en prie, Polly, pardonne-moi. J’ai arrêté de fumer, je me raserai la barbe, j’apprendrai à jouer de la harpe miniature pour te chanter des berceuses, je changerai mes draps plus souvent et j’enlèverai les posters de Batman sur mes murs.

Tu sais, depuis tout ce temps, je n’ai jamais effacé les traces de ton passage dans ma morne vie. Ton parfum, ta voix, ton aura hantent toujours mon humble appartement. Et j’ai encore tes serviettes hygiéniques sur l’étagère des waters.

Allez, fais pas ta salope. Appelle-moi, bordel.

Kiss

AL

PS : mon pote Slim dit que tu as une grande bouche et un long nez, mais je m’en fous. Il est jaloux, il préfère la chanteuse des Cramberries. 

A regarder : The Words that Maketh Murder





Les liens :
Le site officiel
Sur MySpace
Le concert de PJ Harvey à la Maroquinerie