mercredi 31 octobre 2007

David Bowie - The Buddha Of Suburbia

Le chaînon manquant

Il ne me posera jamais la question. Mais si, un jour, mon père me demandait de citer son principal défaut, je lui répondrais : "Papa, tu n'es pas David Bowie." Voilà qui situe, outre le respect que je dois à mes géniteurs, le culte que je voue au créateur de Ziggy Stardust. De là à me prosterner à chaque sortie de Bowie, il n'y avait qu'un pas que je n'ai jamais franchi. Qui aime bien châtie bien et même le meilleur fan se doit de pouvoir conserver un minimum d'esprit critique à l'égard de ses idoles.

Chez Bowie, il y a d'abord une brouette débordant de chefs d'oeuvres avérés (Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Heroes, Low, etc.) Moi, c'est plutôt pour Outside et Station To Station que je succombe. Et puis, il faut aussi mentionner quelques écarts malheureux, que d'aucuns n'hésiteront pas à qualifier de daubes, de bouses ou de louloutes.

C'est dans ce contexte chahuté qu'il convient de resituer The Buddha Of Suburbia, soit la BO d'une série TV pour la BBC, sortie initialement en 1993. A l'époque, Bowie peine à se racheter une crédibilité : après l'ambitieuse et exigeante trilogie berlinoise de la fin des années 70, il sort deux excellents disques très rock et pop dans les années 80 (Scary Monsters et Let's Dance), puis se casse la figure. L'atterrissage est d'autant plus douloureux que Bowie recommençait lentement mais sûrement à flirter avec les sommets (et les excès) de l'époque Ziggy. Il sort alors les très faibles Tonight et Never Let Me Down, deux albums caricaturaux et sans véritable intérêt. Comme si ça ne suffisait pas, Bowie s'enfonce encore plus bas avec Tin Machine, tentative désespérée de prendre en marche le train des Pixies, Hüsker Dü et autres Sonic Youth.
La traversée du désert semble enfin s'achever avec Black Tie White Noise, qui marque le retour de Bowie pour son instrument de prédilection, le saxophone, et célèbre la soul et le jazz. C'est à ce moment que Bowie compose la BO de The Buddha Of Suburbia. Jusqu'à présent, l'oeuvre n'avait fait l'objet que de parutions très confidentielles, limitées dans un premier temps aux Etats-Unis. Pour ma part, je me contentais malgré moi d'une copie d'une version import prêtée jadis par un ami. Pratiquement 15 ans plus tard, voici EMI qui se décide (enfin !) à ressortir l'album pour une diffusion à grande échelle.

En tant que tel, The Buddha Of Suburbia ne présente qu'un intérêt limité. Musicalement assez inégal, ce n'est certainement pas un album majeur de Bowie. Mais replacé dans l'historique de la discographie du Thin White Duke, ce disque prend une dimension supplémentaire : celle d'un document qui, d'un côté, réalise le grand écart entre la froideur des albums berlinois et l'influence des musiques noires américaines et, d'un autre côté, explore, défriche, fouille et prépare le terrain avant la sortie du chef d'oeuvre absolu deux ans plus tard : l'insaisissable Outside. Du coup, par son audace, The Buddha Of Suburbia s'avère par moments maladroit, bancal, hésitant souvent entre jazz, new age, pop et électronique. C'est pourtant un disque d'une force symbolique impressionnante en ce qu'il incarne la renaissance du Bowie qu'on préfère, capable de se remettre totalement en question et de composer une oeuvre qui fait taire à elle seule tous les clichés que peut véhiculer une pop star de cette envergure. On y retrouve d'ailleurs une première version de la chanson Strangers When We Meet, que Bowie lui-même cite comme une de ses favorites et qui figurera en 1995 sur Outside.

Considéré à l'époque comme une parenthèse anecdotique, Buddha s'écoute aujourd'hui comme un brouillon qui préfigure les évolutions qu'a prises la carrière de Bowie sur la deuxième partie des années 90. C'est particulièrement parlant sur des titres tels que Bleed Like Draze, Dad ou Sex And The Church.

Petite ombre au tableau tout de même : la qualité de l'emballage graphique de cette réédition mérite un carton jaune haut levé. La pochette originale est passée à la trappe au profit d'une photo discutable montrant l'artiste se caressant les chaussettes (au moins, il a eu le bon goût de ne pas porter les chaussettes blanches à doubles raquettes de tennis croisées). Le livret, avare de photos cette fois, contient un petit texte explicatif livré brut, sans aucun effort de mise en page. Dommage quand on connaît le goût de Bowie pour les beaux objets.

Pour le reste, tous les fans se réjouiront bien entendu de cette réédition. Et pas seulement pour compléter leur collection, mais aussi pour redécouvrir une facette de Bowie qu'on a parfois tendance à oublier. C'est clair que ça change des pubs pour Vittel !

Vous l'aurez compris : Bowie et moi, c'est une longue histoire. Un jour, je vous raconterai pourquoi je vénère à ce point les albums Station To Station et Outside. Mais là, je suis crevé, alors ce sera pour une autre fois.

Le site officiel : http://www.davidbowie.com/


La pochette originale :



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