Ecrivain bruxellois lauréat du Prix Rossel 2001 pour le démentiel Mort d'un parfait bilingue et chroniqueur à la RTBF radio, Thomas Gunzig vient de publier un hommage très personnel au style du slasher, version survivor. Dans 10 000 litres d'horreur pure, modeste contribution à une sous-culture, Gunzig met en scène cinq étudiants partis passer le week-end au bord d'un lac qui vont se retrouver confrontés aux phénomènes étranges qui rodent la nuit dans les bois... et qui vont évidemment disparaître chacun à leur tour. On y retrouve Patrice, le petit gros puceau complexé (celui à qui la tante a bien voulu prêter le bungalow), condamné à tenir la chandelle, coincé entre deux couples sortis tout droit d'un scénario d'Aron Spelling : d'un côté l'ami d'enfance brillant et sa copine d'origine polonaise, intello fauchée ; de l'autre, le fils à papa, beau gosse et trop sûr de lui, et sa poufiasse imbuvable.
Cette bande improbable emprunte le monospace familial pour aller squatter l'espace d'un week-end un bungalow pourri dans un trou perdu. La voiture à peine garée dans une clairière, l'ambiance se raidit déjà entre le jeune bourgeois qui ne pense qu'à se défoncer la tête au whisky et à la fumette (et en profiter pour forcer la porte de derrière de sa nana) et les autres, venus simplement profiter de l’éloignement de la ville. Dès le premier soir, Patrice révèle un élément crucial, mais qu'il avait omis de mentionner : la seule fois où il est venu dans ce bungalow avec ses parents, sa soeur handicapée a mystérieusement disparu. Depuis, plus personne ne l'a revue. De surcroît, la gentille tante à qui appartient la cabane semble avoir perdu la boule et croupit dans un asile de fous. Merci Patrice d'avoir plombé la soirée...
Dès la première nuit, la poufiasse entend un bruit étrange et envoie son courageux apollon vérifier de quoi il s'agit. Celui-ci se fait évidemment fracasser la tronche par une créature féroce. Pris de panique, les quatre autres vont démontrer chacun à leur tour qu'ils n'ont pas tout à fait capté les messages de prudence véhiculés par Scream : les enfants, restez groupier, bordel de merde ! Mais non, chacun y va de son "Je vais chercher de l'aide", "J'ai aperçu de la lumière dans cette maison abandonnée, je vais aller vérifier s'il y a quelqu'un" ou même "Tiens, j'ai découvert une trappe sous la moquette. Il y fait plus noir que dans le cul d'un taureau par une nuit sans lune, mais je vais quand même m'y aventurer en attendant que les secours rappliquent parce que j'emmerde"...
On l'aura compris : nos aventuriers en herbe sont d'une connerie bouleversante, ce que Thomas Gunzig raconte avec un phrasé léger et distant qui rend ce récit à pisser de rire.
Jusque là, j'étais persuadé que nos cinq héros allaient maladroitement se massacrer les uns les autres. Je guettais avec impatience des répliques croustillantes du style :
- Oups, excuse-moi de t'avoir mis un coup de pioche sur la tête. Dans le noir, je ne t'avais pas reconnu...
- C'est que ça fait quand même affreusement mal. Au fait, le tueur, c'est... aarrggh, ma tête... aaarrrrgghh.
- Et merde, tu étais notre seul chance de nous en sortir. Décidément, je suis vraiment un sot.
Oui mais... le titre indique bien qu'on a affaire à de l'horreur pure, pas à un concentré de bêtise. Aux deux tiers du livre, l’horreur se manifeste à travers des créatures monstrueuses, puantes et gluantes, qui se nourrissent de chair humaine et sont bien décidées à transformer nos héros en menu cinq services. On retrouve ici l’esprit des monstres de HP Lovecraft, dont je ne suis personnellement pas très friand : des masses de chairs humides, de lambeaux de peaux, dotées de mille yeux et cinq bouches, etc. L’histoire commence alors à patauger entre les cadavres en putréfaction, les légendes ancestrales et les origines extra-terrestres des terribles monstres. L’aventure tourne évidemment au vinaigre pour les imprudents. Ce qui était au début une excellente farce usant et abusant des clichés du genre avec un humour grinçant bascule malheureusement dans le fantastique de mauvais goût, ce qu’illustre bien la couverture. Dans la bibliographie de Thomas Gunzig, 10 000 litres d’horreur pure doit être considéré comme une parenthèse délirante. Dommage pour un auteur qui m'avait habitué à beaucoup mieux.
Si vous ne connaissez pas l’auteur, précipitez-vous plutôt sur Mort d’un parfait bilingue ou ses excellents recueils de nouvelles que sont A part moi personne n’est mort, Le plus petit zoo du monde ou Carbowaterstoemp.
Les liens intéressants
Cliquez ici pour lire le premier chapitre en pdf.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire