dimanche 30 septembre 2007

Swod - Sekunden

Deuxième saison

En 2004, le duo berlinois Swod avait sorti Gehen, un premier essai étouffant sur lequel lequel Oliver Doerell et Stephan Wöhrmann couchaient le fruit de leurs expériences en tant que compositeurs pour le théâtre et le cinéma d'auteur. Cet album inquiétant mettait en scène d'un côté un piano classique et, de l'autre, toutes sortes de collages électroniques, mixant et triturant basses, synthés et voix. Plus expérimental que les sorties indietronica de l'époque, l'univers de Gehen renvoyait à l'étrange quiétude des films les plus obscurs de David Lynch.

Avec Sekunden, Swod reproduit les ambiances cinématographiques des débuts mais semble avoir fait le deuil de la froideur clinique qui caractérisait Gehen. Les arpèges de piano sont toujours aussi splendides mais les bruitages électroniques qui les enveloppent se font plus discrets et, surtout, plus sereins. Si, sur le premier disque, le piano et la machine se livraient à un duel cruel, Sekunden parvient à les réconcilier et à les faire s'exprimer d'une seule voix. S'en dégage moins une impression de désert apocalyptique que celle d'une clairière ou d'une rive ensoleillée. Malgré ce que pourrait évoquer la pochette, si chaque album de Swod devait évoquer une saison, c'est bien le printemps qui serait au coeur de Sekunden (alors que Gehen rappelait la rudesse des hivers continentaux).

Actualité oblige, on écoutera en particulier le mélancolique Belgien, l'un des chefs-d'oeuvre de ce très bel album.



Les liens intéressants:

Le site officiel : http://www.swod-music.de/
Swod se produira le 12 novembre au Recyclart.
Le morceau Montauk est toujours en écoute via le lecteur New Kicks On The Radio (6e sur la liste).

vendredi 28 septembre 2007

Naissance de Tu Fawning

31knots fait des petits

Vous savez à quel point je suis un fan maladif de tout ce qui tourne de près ou de loin autour de l'univers délirant de 31knots. Non contents de travailler sur un nouvel album pour 2008 (après avoir déjà sorti un album et un EP cette année), les membres de 31knots profitent de quelques jours à la maison pour se consacrer à des projets parallèles.

Certains connaissaient déjà Lips and Ribs, le projet electro du bassiste Jay Winebrenner. Il faudra désormais compter également Tu Fawning, un duo composé du guitariste-chanteur Joe Haege et de la chanteuse Corrina Repp. Chacun des deux musiciens avait pris l'habitude ces derniers temps d'apparaître sur l'album de l'autre. Leur collaboration se matérialise désormais dans Tu Fawning, une expérience musicale qu'ils qualifient de "Edith Piaf meets Portishead". Deux titres sont écoutables sur leur page MySpace. Rien ne dit s'il s'agit d'une infidélité passagère ou si le projet aboutira à une sortie officielle.

Les liens intéressants:
Tu Fawning sur MySpace : www.myspace.com/tufawning
31Knots sera en tournée en France du 18 au 27 octobre. Plus d'infos sur http://www.31knots.com/

mardi 25 septembre 2007

Le Prix Gros Sel

Par goût du livre

Si l'industrie du livre était Hollywood, la librairie en ligne Rezolibre serait Sundance et le Prix Gros Sel ses Awards. Lancé en 2005 afin de promouvoir des auteurs oubliés du circuit commercial, le Prix Gros Sel revient cette année avec un Prix du Jury, un Prix des Grands Enfants et un Prix du Public.

Les votes pour le Prix du Public et le Prix des Grands Enfants ("livres pour enfants, grands enfants, projets graphiques...") se font par Internet jusqu'au 1er novembre 2007. Vous pouvez voter pour n'importe quel livre, récent ou pas, du moment qu'il vous ait touché et n'ait pas fait l'objet d'une large publicité (maman, tu peux oublier Harry Potter et le Da Vinci Code). Une belle occasion de promouvoir la culture plutôt que les loisirs.

Les Prix seront décernés le 5 décembre à La Piola Libri, à Bruxelles.

Je crois que je vais proposer Owen Noone...


Le site officiel: http://www.rezolibre.com/grossel/index.php

Pour voter: http://www.rezolibre.com/grossel/votez.php

dimanche 23 septembre 2007

"Militer en espadrilles"

Niaco, contributeur émérite à New Kicks On The Blog, vient de lancer sur la toile son propre blog : Rage Against The Coffee Machine. Ce blog, sous-titré "Militer en espadrilles" s'adresse à toutes celles et ceux qui ont eu envie un soir d'aller crier leur colère dans la rue mais qui ont été contraints de reporter leur projet révolutionnaire aux calendes grècques parce que ce soir-là, pas de bol, c'était la finale de Koh-Lanta. "Militer en espadrilles": un art de vivre qui permet de faire sa BA en restant derrière son clavier, réchauffé par une un tasse de thé issu du commerce équitable. Rage Against The Coffee Machine proposera régulièrement des articles sur de chouettes initiatives pour rendre le monde meilleur, des pétitions, des gestes citoyens, etc. qui ne demandent en général que peu d'effort.

Le lien :

http://ratcm.blogspot.com/

vendredi 21 septembre 2007

Robert Sutton - Objectif Zéro-Sale-Con

Le Routard de l'entreprise moderne

Non, vous ne vous êtes pas trompé d'adresse : vous êtes bien sur New Kicks On The Blog. Et non, vous ne rêvez pas non plus : cet article est bien une chronique d'un livre de management. Alors quoi ? New Kicks serait devenu la nouvelle référence pour le jeune DRH aux dents longues dont les performances seront mesurées en fonction du nombre de CDD qu'il n'aura pas renouvelés ? Pas du tout, parce que ce livre de Robert Sutton constitue un sacré pied de nez à toutes les théories sur la gestion des relations interpersonnelles au sein de l'entreprise. La langue de bois, Sutton ne connaît pas et il est bien décidé à mettre fin à la tyrannie des sales cons.
Objectif Zéro-Sale-Con est justement sous-titré Petit guide de survie face aux connards, despotes, enflures, harceleurs, trous du cul et autres personnes nuisisbles qui sévissent au travail. Son auteur, un professeur de management réputé de l'Université de Stanford et déjà auteur du classique 11,5 idées décalées pour innover, a décidé cette fois de s'attaquer à ceux qu'il appelle les sales cons (assholes dans la version anglaise) et qu'il tient pour responsables de l'ambiance pourrie qui peut souvent régner dans une entreprise. Mais qui sont ces sales cons ? La définition que propose Sutton repose sur deux composantes :
1. Après avoir été victime du sale con, l'employé se sent humilié, rabaissé. Le sale con maîtrise l'art de faire comprendre à son interlocuteur qu'il est un moins que rien.
2. Le sale con ne s'attaque qu'à ceux qui se situent à un échelon moins élevé dans la hiérarchie de l'entreprise.

Sur base de cette définition, Sutton distingue le sale con occasionnel (comme vous et moi) du sale con certifié, celui qui va systématiquement s'essuyer les pompes sur les cadavres de ses victimes pour pouvoir mieux gravir les échelons de la hiérarchie. L'auteur propose donc une grille de lecture pour pouvoir les identifier dans notre entourage et suggère d'éviter leur compagnie autant que possible.
Mais attention : nous sommes tous des sales cons en puissance et nous nous sommes tous comportés au moins une fois comme une enflure. Sutton nous invite donc à analyser notre propre comportement avant de cataloguer nos collègues.
Après ces mises en garde, Sutton élabore son propos. Il avance son modèle mathématique pour calculer le coût que représente la présence d'un sale con dans une équipe, il distille ses conseils pour maîtriser ceux qui sévissent dans notre entourage (et celui qui sommeille au fond de chacun d'entre nous), il nous fournit un kit de survie très pratique pour ceux qui vont malheureusement constater que leur entreprise est dirigée par des connards. Par souci d'honnêteté intellectuelle, l'auteur explique également que se comporter comme un trou du cul peut parfois s'avérer un pari gagnant et n'hésite pas à citer des exemples de tyrans qui sont parvenus à monter des entreprises très perfomantes, Steve Jobs en tête.

Cependant, en se référant à de nombreuses études en psychologie organisationnelle, Robert Sutton démontre par A +B que les entreprises qui ont eu le courage d'appliquer l'objectif zéro-sale-con dans leurs processus de recrutement ou d'évaluation réalisent en général d'excellentes performances commerciales et financières. De même, il répond à des questions très concrètes comme celle de savoir s'il n'est pas opportun de conserver un sale con dans son équipe, ne serait-ce que pour provoquer une réaction de rejet de la part des autres employés.

Quant à l'origine de ces comportements regrettables, Sutton hésite entre deux thèses. D'une part, il admet que le monde de l'entreprise, de par son climat de compétition interne pour nous pousser à la performance, crée des monstres en puissance. D'autre part, il soutient, exemples à l'appui, que nous ne sommes pas tous égaux devant le risque de devenir un sale con.

Contrairement à ce que son titre pourrait suggérer, Objectif Zéro-Sale-Con n'est pas drôle. Ce livre brosse un portrait sévère des relations qui régissent les entreprises d'aujourd'hui. Pire, Sutton s'avoue impuissant face à certains cas d'école et conseille, dans les cas les plus extrêmes, de s'enfouir la tête dans le sable pour laisser passer l'orage et éviter la dépression, voire le suicide. L'ouvrage revêt une triple utilité. Primo, il permet de repérer les requins qui sévissent au bureau (et surtout de confirmer ce qu'on soupçonnait déjà). Secundo, et c'est sans doute l'aspect le plus intéressant, il nous avertit du risque que nous courons tous de devenir un vrai enfoiré. Tertio, à l'aide d'exemples très concrets, Sutton chiffre le coût que peut engendrer l'absence d'objectif zéro-sale-con.

Au-delà de ces aspects un peu sérieux, je dois reconnaître que j'ai dévoré ce livre comme si je découvrais le journal intime de mes années passées au siège de la World Company. Comme tout le monde, j'imagine, j'ai reconnu à chaque page mes collègues les plus détestables. Pouvoir mettre un nom sur leur attitude, réaliser que mon cas n'est pas isolé et voir que des alternatives sont possibles a quelque chose de jouissif. Revers de la médaille : de retour au bureau, constater que les sales cons sont toujours au pouvoir peut avoir un effet désastreux sur le moral et la motivation. "Pas grave" dit Sutton. "Serrez-vous les coudes entre victimes et la roue finira bien par tourner."
Notez enfin que ce livre de Robert Sutton n'a rien d'une blague. L'ouvrage s'inscrit en réalité dans la continuité d'un article de l'auteur dans la très prestigieuse Harvard Business Review. Il s'attendait à se faire conspuer après une telle publication, mais il n'a reçu que des éloges, tant des lecteurs que de ses confrères.
Par ailleurs, ce 10 septembre, ce livre s'est vu décerner le Quill Award du meilleur bouquin de l'année dans la catégorie Business. Vous pouvez toujours voter jusqu'au 10 octobre pour élire The No-Asshole Rule livre de l'année toutes catégories confondues.

Robert SUTTON, Objectif Zéro-Sale_con, Editions Vuibert, 2007 (184 pages)

Les liens intéressants

Le blog des Editions Vuibert en français qui permet de réaliser différents tests ou de raconter ses propres expériences de sales cons : http://objectif-zero-sale-con.blogspot.com/
Le site officiel de Robert Sutton : http://bobsutton.typepad.com/

mercredi 19 septembre 2007

Xavier Rudd – Concert à l’Ancienne Belgique (AB Box)

Good Spirit

Depuis le temps que j’arpente les salles de concert et les festivals, je pensais être immunisé à l’effet groupie. Une vaine illusion, dont atteste un ticket de concert dédicacé, arraché non sans peine à un Xavier assailli par les groupies. Mais parlons du concert.

Xavier Rudd commence à se faire un nom sous nos latitudes grâce au gentil single Messages, et ses deux derniers albums, Food in the belly et White Moth, les premiers à recevoir une distribution internationale. Pratiquant une musique mi-roots, mi-folk, gentille mais sincère, Xavier Rudd séduit les vieux hippies comme les bobos qui mangent leur sandwich bio au volant de leur 4x4. Surtout, il impressionne par le nombre d’instruments dont il peut jouer, souvent en même temps (guitare, percusions, didgeridoo, harmonica. On n’avait pas fait mieux depuis Rémy Bricka).

C’est cette dernière facette de l’artiste que la performance live pousse à l’avant-plan. Et avec elle, son extraordinaire capacité, non pas à dégager mais à transmettre sa fantastique énergie au public. N’importe quel plouc à pieds nus peut lancer « peace and love » à la cantonnade. Quand Xavier Rudd le dit en fin de concert, tout le monde est réellement touché, lui le premier.

Arrivé pieds nus, avec une demi-heure d’avance (!), Xavier Rudd entame le concert mollement avec Fortune Teller, pas vraiment son meilleur morceau. Le public réagit mollement, lui-même semble s’emmerder un peu. Puis Xavier entame le deuxième morceau en jouant un peu à faire des sons rigolos avec tout le brol qui l’entoure sur fond de chant aborigène et embraie sur Message Stick, un instrumental long et éprouvant, dans lequel il joue de deux didgeridoos différents, et assure lui-même les percussions. Le rythme gagne la salle, l’artiste rentre dans sa musique…À l’issue du morceau, un tonnerre d’applaudissements acclame un Xavier Rudd quelque peu essoufflé. Le concert est lancé.

La suite n’est qu’un enchaînement de performances similaires, avec un comparse (dont j’ai malheureusement oublié le nom) lui-même entouré d’une foule de tambours en tous genres. Performance n’étant ici pas un vain mot quand on sait qu’il leur est arrivé de jouer plus de 20 minutes sans interruption…

Le public ne s’y est pas trompé, qui a repris pendant 5 minutes, en tapant dans les mains, la rengaine de Let Me Be au point de déstabiliser Xavier Rudd lui-même. Vous me direz que ça fait très Britney Spears. Peut-être, mais ce qui semblait dominer n’était pas tant l’envie de chanter un air connu que le désir de voir l’artiste improviser quelque chose sur cette base rythmique simple. Partager la performance en somme.

Au final, on retiendra une performance admirable techniquement qui aura aussi, surtout, touché par l’échange qui s’est instauré, l’énergie transmise par l’artiste et relayée par le public. Cerise sur le gâteau, la musique de Rudd dont les bons sentiments peuvent parfois agacer, perd de sa mièvrerie sur scène, où les percussions envahissent l’espace et la guitare n’hésite pas à se faire plus dure.

Un régal, à voir dans une petite salle. Ou, encore mieux, en plein air.

Les liens intéressants

Le site officiel : www.xavierrudd.com/
Sur MySpace :
www.myspace.com/xavierrudd
L'Ancienne Belgique :
www.abconcerts.be

Liars - Liars

Poker menteur

Liars fait partie de ces groupes qui, quoi qu'ils fassent, parviennent toujours à conserver ce son distinctif qui fait qu'on les reconnaît dès les premières notes. Avec une personnalité aussi marquée, les Liars ont pris l'habitude de caresser l'auditeur à rebrousse-poil à chaque nouvelle sortie, au point qu'on ne serait pas étonné qu'ils sortent demain un album de reprises de Sting à la flûte de pan. Le risque est bien sûr de perdre toute objectivité et de considérer chaque album de Liars comme un chef d'oeuvre en soi sans aller gratter plus loin.

Pour ce nouvel album, Liars n'avait pas la tâche facile, accoucher d'un successeur digne du radical Drum's Not Dead n'étant pas une mince affaire. Avant la sortie de cet album éponyme, Angus Andrew, le "leader" du groupe, s'était fait un plaisir de brouiller une nouvelle fois les pistes en criant sur tous les toits qu'il s'était découvert des talents de songwriter. Ou l'art d'attiser la curiosité des jeunes loups affamés que nous sommes. Evidemment, quand il s'agit de Liars, la notion de songwriting prend une tout autre dimension mais il faut bien admettre qu'on retrouve sur ce nouvel album des chansons avec une structure presque traditionnelle, c'est-à-dire des passages qu'on pourrait qualifier de couplets et d'autres qui feraient office de refrains.

L'album s'ouvre sur Plaster Casts Of Everything, brûlot punk qui s'avère en fait être... deux chansons en une puisqu'à mi-parcours, on a droit à un premier virage bien serré que Liars prend à la corde. On s'attend alors à un album plein de furie, ce que vient tout de suite contredire Houseclouds, sorte d'electro-pop synthétique ronflante. Le troisième titre vient ajouter son grain de sel à la confusion ambiante : Leather Prowler s'entame comme un spoken word industriel façon Einstürzende Neubauten et s'enfonce rapidement dans les textures dissonantes qu'on avait pu entendre sur Drum's Not Dead. Les trois premiers morceaux sont trois flèches toutes faites de bois différents.

La suite est de la même trempe. Liars revisite de nombreux styles et les ressert à sa sauce maison. On a ainsi droit à un trip hop hypnotique façon Tricky (Sailing To Byzantium), un stoner rock aux biscotos poilus façon Pink Fairies (Cycle Time) et un hymne noise punk à la Jesus And Mary Chain (Freak Out).

Tout l'album suit cette trame qui veut retourner l'auditeur comme une crêpe à chaque morceau. On en prend plein les oreilles, ça fuse dans toutes les directions, mais comme je l'écrivais en introduction, ça reste du Liars. Là-dessus, il ne plâne aucun doute.



Les liens intéressants :

Le site officiel : www.liarsliarsliars.com/
Sur MySpace : www.myspace.com/liarsliarsliars

dimanche 16 septembre 2007

Black Francis - Bluefinger

Tant pis pour les autres

Dire que Charles Thompson, alias Frank Black, alias Black Francis, souffre de problèmes d'identité(s) est une lapalissade. Autant il paraissait imbuvable lors de la fameuse tournée de reformation des Pixies, autant, en solo, on découvrait un Frank Black détendu et disponible, qui conduisait lui-même la camionnette et démontait seul son matos après le concert. Sa discographie est tout aussi contrastée, entre les premières sorties post-Pixies (Teenager Of The Year, The Cult Of Ray), l'aventure avec les Catholics et les dernières sorties semestrielles qui devaient plus au blues et à la country qu'au rock des débuts (Honeycomb). Chacun se fera son opinion, mais pour ma part, j'avais un peu lâché prise après la période Frank Black & The Catholics.

Dans cet imbroglio discographique (une quinzaine d'albums solo depuis la séparation des Pixies en 1993, je n'ai pas fait le décompte exact), la sortie d'un nouvel album sous le nom de Black Francis marque à coup sûr un tournant. En se dotant du nom de scène qu'il avait délaissé après la sortie de Trompe Le Monde, Black rappelle qu'il était parti sans avoir terminé le sale boulot. En pleine ascension, il est évident qu'il en avait gardé sous la pédale pour le jour où... Mais voilà, il suffisait de voir les Pixies écluser les festivals du monde entier sans s'adresser la parole pour comprendre que ce nouvel album ne verrait sans doute jamais le jour.

Du coup, on se plait à imaginer que sur les 11 titres de Bluefinger, certains auraient pu connaître une autre destinée. C'est clair comme de l'eau de roche pour au moins cinq chansons de ce nouvel album. Threshold Apprehension, par exemple, aurait pu sans conteste revendiquer une place de choix sur un hypothétique successeur de Trompe Le Monde : on y retrouve la voix stridente de Black Francis au meilleur de sa forme et, surtout, un riff de guitare haché comme à la grande époque. D'autres morceaux plus agressifs sont de la même veine (Your Mouth Into Mine, Tight Black Rubber) même si le son général rappelle plutôt le premier album de Frank Black & The Catholics.

Néanmoins, Bluefinger n'est pas un nouvel album des Pixies déguisé en disque de Black Francis. Pour cela, il aurait fallu cette alchimie qui régnait à l'époque où Black et Joey Santiago croisaient leurs guitares pour notre plus grand plaisir. Or les Pixies ne sont plus, il faudra s'en faire une raison. Mais cet album nous montre un Black réveillé, rajeuni, énervé et débordant d'envie de jouer. Rien que pour ça, il mérite qu'on s'y attarde.




Les liens intéressants:

Le site de Bluefinger : http://www.bluefingeronline.com/
Un site non-officiel : www.frankblack.net/
Et un excellent blog encore moins officiel (en français) : http://blackolero.blogspot.com/

samedi 15 septembre 2007

The Go! Team - Proof Of Youth

Eternelle jeunesse
Si vous détestez la pop dansante et vaguement kitsch, The Go! Team pourrait bien bouleverser vos habitudes. Cette bande de six joyeux drilles originaires de Brighton pratique en effet une pop un peu fofolle qui s'appuie sur des références sixties qui s'étendent des super-productions à la Phil Spector aux BO de poursuites de voitures dignes de Mannix ou Five-O.

The Go! Team avait déjà créé la sensation en 2004 avec Thunder, Lightning, Strike, premier album qui contenait déjà un single imparable, Ladyflash. Le secret de leur recette : des guitares britpop associées à des samples poussiéreux et un chant aux accents hip hop. Cette année, les Anglais remettent le couvert avec Proof Of Youth, un disque qui poursuit le travail entrepris trois ans plus tôt, avec de nouveau en exergue un single assassin intitulé Grip Like A Vice. On retrouve donc dans ce deuxième album tous les ingrédients qui avaient fait le succès de The Go! Team il y a trois ans, l'effet de surprise en moins.

Les liens intéressants:
Le site officiel : www.thegoteam.co.uk/
La vidéo de Ladyflash:
La vidéo de Grip Like A Vice :

vendredi 14 septembre 2007

Irvine Welsh – If you liked school, you’ll love work

If you liked school, you’ll love work est le titre du dernier livre d’Irvine Welsh, l’auteur qui avait enfanté le culte Trainspotting en 1993. Depuis, le plus écossais des écrivains contemporains a signé une demi-douzaine de romans et trois recueils de nouvelles, parmi lesquels je vous conseille hardiment : Exstasy, Une Ordure (Filth) et Porno (la suite de Trainspotting dans laquelle on retrouve tous les personnages 10 ans plus tard… sur le tournage d’un film x).

Malheureusement, Irvine Welsh est boudé par les traducteurs français depuis bientôt 10 ans. A ma connaissance, seuls Trainspotting, Exstasy, et Une Ordure ont fait l’objet d’une traduction dans la langue de Molière. Pour les autres, il faudra se contenter de la version anglaise, ce qui n’est pas une mince affaire. En effet, Irvine Welsh revendiquant haut et fort son écossitude, ses histoires sont souvent relatées avec l’accent du coin, fidèlement reproduit sur papier par une écriture plus proche de la phonétique que des précis de grammaire d’Oxford. Comme si ça ne suffisait pas, ses personnages n’hésitent pas à s’exprimer dans leur patois local, ce qui nous donne des textes colorés… mais plutôt ardus. Pour se faire une petite idée, il suffit de se remettre le DVD de Trainspotting en VO et d’écouter attentivement Francis Begbie, le personnage incarné par Robert Carlyle. Par rapport au bouquin, c’est le personnage dont le phrasé a été le mieux respecté. Dit autrement et sans vouloir paraître hautain, ceux qui ne pigent que l’anglais version NBC News trouveront Irvine Welsh illisible dans le texte. Petite astuce toutefois : l’édition américaine de Trainspotting est agrémentée d’un petit glossaire, ma foi bien utile pour déchiffrer l’ensemble de l’œuvre de Welsh.

La bonne nouvelle, c’est que pour son 9e livre, Irvine Welsh a quelque peu dilué son accent d’Edimbourg. En réalité, il a contourné le problème : sur les cinq nouvelles présentes au sommaire, trois ont planté le décor aux States et une en Espagne. Les quatre premières histoires se lisent donc sans aucun problème, d’autant qu’elles sont relativement courtes (environ 50 pages chacune). Pour la dernière nouvelle, par contre, il faudra s’armer de patience car elle prend place en pleine banlieue populaire écossaise et s’étale sur… 180 pages. L’auteur s’y donne à cœur joie et pond un texte qu’il faudrait lire à haute voix pour mieux en apprécier les saveurs.

L’autre bonne nouvelle, c’est que, pour une fois, la plume d’Irvine Welsh s’attaque à un univers qui ne se limite pas aux drogues dures, aux bagarres à la sortie des stades de foot, à la bière plate qui se descend par hectolitres ou aux rave parties.

Au menu
Dans Rattlesnakes deux gars et une fille décident d’aller se faire un trip dans le désert du Nevada. Toute l’intrigue consiste à comprendre par quel enchaînement d’événements malheureux la nana va se retrouver à moitié à poil, pendant qu’un des gars pratique une fellation sur son compagnon de virée, sous le regard menaçant de deux Mexicains armés jusqu’aux dents. Tout un programme…

If you liked school, you’ll love work raconte les déboires d’un Anglais qui a quitté sa femme pour ouvrir un pub sur la Costa Brava. Coup sur coup, il va devoir gérer sa fille qui rapplique à l’improviste pour passer les vacances au soleil, une ex-petite amie débarquée de Grèce pour lui annoncer une « grande nouvelle », une autre petite amie pas assez enveloppée à son goût et qui pourrait commencer à devenir jalouse et, pour corser le tout, deux meurtriers dont il aurait mieux fait de ne jamais surprendre la conversation.

La troisième histoire, The DOGS of Lincoln Park, nous emmène dans l’univers ultra-superficiel de trois pétasses en tailleur qui ont l’habitude de se retrouver le midi dans un restaurant coréen du centre de Chicago. Leurs conversations, lestées aux anti-dépresseurs, tournent irrémédiablement autour de la platitude de leurs vies professionnelles et amoureuses. Lorsque le cuistot du resto coréen emménage dans le même immeuble que l’une d’elles, celle-ci constate que son seul compagnon, un petit chien qu’elle fait garder par une dog-sitter, a mystérieusement disparu. Voilà son imagination qui prend subitement le relais : les Coréens cuisinent-ils vraiment du chien ?

Si The DOGS of Lincoln Park peut rappeler par moments l’univers des romans de Brett Easton Ellis, Miss Arizona, la quatrième nouvelle de ce recueil, est un énorme clin d’œil à Paul Auster. On y suit Raymond Butler, scénariste en quête de succès qui, pour mettre la touche finale à sa biographie consacrée à un cinéaste américain défunt, entreprend d’interroger sa veuve, une ex-Miss Arizona totalement givrée. Malgré les efforts de Butler, la vieille s’obstine à tourner autour du pot, préférant raconter en long et en large la vie de ses trois autres ex-maris, tous également décédés. Après être enfin parvenu à lui soutirer quelques informations en usant de ses charmes, Butler décide de rendre une dernière visite à la veuve pour lui annoncer que ses travaux touchent à leur fin. Encore faudrait-il que la vieille l’entende de cette oreille.

Enfin, dans The Kingdom Of Fife, une nouvelle qui tient plus du court roman (180 pages divisées en 30 chapitres), Irvine Welsh reprend sa plume la plus dure pour décrire la banlieue populaire de Cowdenbeath, au nord d’Edimbourg. On y suit en parallèle les trajectoires de deux personnages que tout oppose… et dont les destins vont évidemment se croiser. A ma gauche, Jason King, ex-jockey raté. Un accent à couper au couteau, une petite faiblesse pour la Guiness et une habilité de la main droite qui lui permet non seulement d’être une des stars locales du championnat de baby-foot mais également de se décharger régulièrement d’une vie sexuelle proche du zéro absolu. D’une extrême gentillesse, Jason voudrait bien trouver un boulot mais doit faire face à un père qui prône la révolution permanente, condamne toute forme de contribution à la société capitaliste (et donc en premier lieu la valeur travail) et n’écoute plus que 50 Cent depuis qu’il a cru y reconnaître le dernier apôtre du marxisme-léninisme.
A ma droite, Jenni Cahill, post-adolescente en mal de vivre. Elle est la fille d’un richissime homme d’affaires pourri qui ne voit pour elle qu’une seule destinée : devenir une grande championne de saut d’obstacles. Mais pour cela, il faudra d’abord qu’elle accepte de se débarrasser de son cheval boiteux pour en acquérir un plus performant et qu’elle passe un peu moins de temps dans sa chambre à écouter Marilyn Manson.
Ces deux personnages, tellement opposés qu’on se demande s’ils parlent vraiment la même langue, Irvine Welsh va les balader entre tournois de baby-foot, concours de jumping et combats de chiens organisés. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

Avec ce dernier livre, on l’aura compris, Irvine Welsh tente de se débarrasser de ses vieux démons et parvient à ajouter quelques cordes à son arc tout en conservant son style si particulier qui lui permet de décrire des situations pathétiques avec un humour cru et malsain. Le coup du recueil de nouvelles est plutôt bien joué parce qu’il lui permettra de toucher un public beaucoup plus large qui, jusque là, avait été mis hors jeu, sans doute à cause de la barrière de la langue. Pour ceux qui n’ont jamais lu Welsh en anglais, c’est la meilleure des portes d’entrée.

J’ajouterai que la qualité du travail de couverture des livres anglo-saxons en fait un objet magnifique qui trônera bien en vue sur une bibliothèque.


Le site officiel d'Irvine Welsh : http://www.irvinewelsh.net/
Un extrait de Rattlesnakes : http://www.irvinewelsh.net/books.aspx?bkid=23&subid=2

dimanche 9 septembre 2007

Je ne devrais pas...

... mais je ne peux pas résister à l'envie de crier au monde entier que je suis l'heureux papa d'une petite Olivia depuis ce vendredi. Inutile de préciser qu'elle est belle comme sa maman. Et, comme son papa, elle a tout de suite su montrer au monde qu'il ne fallait pas la faire chier avec de la musique d'ascenseurs. La preuve que faire écouter Anthrax à un ventre pendant 9 mois, ça sert à quelque chose. A bon entendeur...



New Kicks On The Radio

Chose promise, chose due : un nouveau lecteur audio personnalisé vient de faire son apparition en haut à droite de la page d'accueil. En test pour le moment, cette petite radio va me permettre de diffuser des morceaux dont il est question sur ce blog.
Pour commencer en douceur, je vous ai programmé Pelican, Liars, Grails, Suzanne Vega, Hexstatic et même Pauline Croze, soit un peu de tout.

Le petit lecteur a été rendu possible grâce à www.deezer.com.

Toutes les suggestions sont toujours les bienvenues, via le petit lien "contact", en bas à droite.

vendredi 7 septembre 2007

The Juju Orchestra – Bossa Nova Is Not A Crime

Sur un coup de tête

Est-il encore envisageable, en septembre 2007, de se promener innocemment dans une grande surface multimédia détenue par un actionnaire allemand, de laisser le regard errer de rayon en rayon, d’être frappé d’un coup de foudre pour une pochette de CD somptueuse, de céder sous la pression de l’achat impulsif et d’écouter l’objet fraîchement déballé sans devoir faire taire cette envie irrépressible de se jeter sous le train de 17h59 (celui qui part à 18h08) ?

Je l’affirme haut et fort : oui, c’est encore possible. La preuve avec The Juju Orchestra et ce premier album intitulé Bossa Nova Is Not A Crime : une jacket d’une sobriété absolue qui affiche ostensiblement ce logo « stereo » d’un autre âge et un titre suffisamment accrocheur pour faire fondre la victime consentante qui sommeille au fond de moi.
Trio allemand qui voue un culte absolu pour Miles Davis et Stan Getz, The Juju Orchestra propose sur ce premier album 8 titres (dont 3 reprises) qui puisent leurs racines dans des influences soul, bossa, tango et salsa. Un vrai régal plus joué que samplé, contrairement aux classiques du genre Jazzanova ou Gotan Project, et surtout plus jazzy que lounge.

A noter que cet album est la première sortie du label Agogo Records, basé à Hanovre.


Les liens intéressants :

Le site officiel : http://www.juju-orchestra.com/
Sur MySpace : www.myspace.com/bossanovaisnotacrime
Le site d’Agogo Records : http://www.agogo-records.com/

jeudi 6 septembre 2007

Terry Pratchett – Thud !

Heroi-comic fantasy

L’aisance avec laquelle Pratchett allie intelligence, humour et élégance dans le style en a fait un auteur à la fois populaire et respecté, ce qui en soi force déjà l’admiration. Ajoutez-y une fécondité qui ferait passer Victor Hugo pour un mongolien dyslexique, et un univers personnel qui réduit la Terre du Milieu au rang de bourgade pittoresque et vous saurez pourquoi il faut absolument lire Pratchett (si ce n’est déjà fait).

Thud ! est le 34e roman de l’univers du Discworld, un monde plat posé sur quatre éléphants reposant eux-mêmes sur le dos d’une tortue géante, qui parodie allègrement les univers d’heroic-fantasy, Tolkien en tête.

Le sujet central est l’intolérance religieuse, abordée du point de vue des rapports Eglise-Etat, puisque le héros du roman est le Commandant Vimes, chef de la Police de la ville d’Ankh-Morpork. Parsemé de clin d’yeux, notamment au Da Vinci Code, Thud ! tire sa valeur de la cohérence de son propos, qui se maintient dans les intrigues secondaires sans tomber dans la redondance, et, surtout, de la confrontation de Vimes et des intégristes nains.

Vimes se laisse décrire en deux mots comme le chef de police droit et intègre qu’on voulait être au temps du bac à sable : leader-né, incorruptible, respecté, et même subtil (ce dernier trait constituant sans doute une variation sur la modèle « jardin d’enfants », je vous l’accorde).

Quant aux nains, Pratchett les a dotés d’une religion qui fait l’apologie de l’obscurité, les poussant à vivre sous-terre et, pour les plus intégristes, à se vêtir d’une sorte de burka pour se protéger du soleil quand ils sont forcés d’affronter la surface et sa lumière. Le jeu de l’auteur consiste ici à remplacer l’élévation et la lumière par une rhétorique religieuse de la profondeur et de l’obscurité. Avec une jubilation évidente, Pratchett étale les tergiversations et arguments fallacieux utilisés par les intégristes de tout bord pour contourner la loi, la pseudo-justification culturelle et le relativisme en tête.

Ajoutez à tout ça des trolls tellement costauds qu’ils sniffent de l’acide sulfurique, un photographe vampire qui tombe en poussière chaque fois qu’il utilise son flash, une sergent (e) loup-garou, et là si vous n’êtes pas déjà sur Amazon en train de commander Thud ! je ne sais pas ce qu’il vous faut.

L’anglais de Pratchett est accessible et même fort agréable, seuls les plus hermétiques aux langues étrangères devraient éprouver des difficultés à le lire.

Pour les plus motivés, je recommande vivement la lecture de The Truth avant d’entamer Thud ! On y retrouve déjà Vimes et plusieurs autres personnages dans une histoire qui tourne autour de la liberté de la presse. Les deux livres peuvent se lire indépendamment, mais plusieurs vannes de Thud ! font allusion à des événements de The Truth.

Bonne lecture.

Terry Pratchett : Thud !, Doubleday, 2005

Terry Pratchett : The Truth, Doubleday, 2000

Les liens intéressants:

http://www.terrypratchettbooks.com/

Bibliographie du Discworld: http://en.wikipedia.org/wiki/Discworld#Lists_of_Novels

mardi 4 septembre 2007

Sepia Hours : d'un jour à l'autre

L'interview

Avril 2007 : le label belge Matamore sort When We’ll Cross These Days, These Seasons and Their Closes, le premier album de Sepia Hours à ne pas paraître sur un netlabel. Sepia qui ? Sepia Hours, soit Sébastien Biset et lui-même dans un projet musical bien trop complexe pour pouvoir se contenter de l’étiquette d’indietronica.

Sepia Hours, je connaissais grâce à l’EP Naive Curse To Leave A Mark, sorti deux ans plus tôt sur Sundays In Spring. A l’époque, ce disque m’avait heurté par ses compositions pop timides, à la voix effacée et aux arrangements électro embrumés. Une sorte de Tunng flanqué d’une sale migraine.
Mais avec le nouvel album, je découvre ce qui me semble être un sacré tournant : des morceaux plus torturés, où la voix est définitivement reléguée au second plan, au profit de structures plus abruptes et de décors plus bruitistes. Sepia Hours aurait viré sa cuti ? Une discussion s’imposait avec l’auteur de cet album, discussion qui va mettre au jour un univers bien moins évident que ce que j’imaginais.

L’histoire de Sepia Hours commence en 2004 avec deux premières sorties sur le netlabel Sundays In Spring, qui seront téléchargées plusieurs milliers de fois… en Italie et en Asie également. Pourtant, dès ces premiers échos encourageants, Sébastien décide de changer son fusil d’épaule et sort Octember 05 sur le défunt Social Fashion Records. Soit une seule longue piste exigeante, très éloignée des structures pop intimistes des deux premiers EP.
Par la suite, Sepia Hours continue d’expérimenter sur des netlabels basés en Autriche et au Royaume Uni.


On efface, on oublie


Fin 2006, Sébastien enregistre When We’ll Cross These Days… qu’il publie momentanément sur son propre site. C’est à ce moment que Maxime (Some Tweetlove) lui propose de ressortir l’album sur le label Matamore. Un choix difficile. « Je suis un boulimique de l’enregistrement, que je conçois comme une photo de l’instant présent, rien de plus. D’ailleurs, je ne travaille jamais
une composition avant d’enregistrer. C’est un geste impulsif : je saisis mes instruments, je me laisse aller et je capte l’émotion du moment. J’ai renié chaque EP après sa sortie et je n’ai jamais rejoué ce que j’avais enregistré. Je suis plutôt fasciné par le côté éphémère d’une musique qui correspond à un état d’esprit à un moment bien précis. Alors, forcément, l’idée de sortir dans le commerce un disque de Sepia Hours, même pour 10 euros, j’ai mis du temps à la digérer. Tu te rends compte que la Fnac l’a mis en écoute sous le nom de Sephia Hours et le vend pour 19 euros ? »

De l’album lui-même, Sébastien ne dira pas beaucoup plus. On sent que l’objet le dérange même si, en insistant, on parvient à discuter de Declines, un morceau construit comme une longue boucle de quelques notes de clavier qui monte dans un léger crescendo avant de s’écraser dans une cohue assourdissante. On tombera aussi rapidement d’accord sur une autre évidence : cet album doit s’écouter à plein volume pour pouvoir révéler toutes ses nuances.

Fausse(S) Couche(S)
La conversation bifurque rapidement vers A Journey With My Ego... Now Now Now I'm Rising, un nouvel EP publié en juillet sur Fausse(S) Couche(S), un site développé justement par Sébastien et ses deux complices Jean DL et Impostor afin d’héberger leurs sorties de piste musicales, artistiques ou littéraires. « En juillet, je commençais à être écœuré par les câbles et les machines que je devais manipuler lors des quelques concerts que je venais de donner. J’en avais la nausée. Je ne voulais plus rien faire. Alors, j’ai pris ma voiture et j’ai embarqué une vieille guitare pourrie, un mélodica et un enregistreur de minidiscs. J’ai commencé à enregistrer des trucs dans la voiture, puis je me suis mis à crier. J’ai également capturé des sons d’ambiance à la mer. Quand j’ai essayé de mixer le tout, je suis parvenu à conserver l’esprit brut de la démarche. Ça a donné cet EP de 6 titres assez hermétique mais qui m’a vraiment soulagé. » Le résultat est une superposition effrayante de sons déchirés qui restitue un esprit de profonde tourmente… à écouter à petites doses.

Depuis, Sébastien s’interroge sur les suites à donner à Sepia Hours. Et comme à chaque fois, il ignore totalement ce qu’il en adviendra. «Aucun de mes enregistrements n’était réfléchi, alors je peux difficilement prévoir ce que je ferai demain. »

Scènes
Ce n’est qu’en juillet 2006 que Sepia Hours se produit sur scène pour la première fois. « Avant, je n’assumais pas, ni avec une guitare, ni avec ma voix. » Les premiers concerts sont hésitants, entre songwriting improvisé et expérimentations électro. Puis, vient la soirée du label Matamore, en avril dernier à l’Ancienne Belgique. Un set préparé et répété avec Jean DL pour mieux cadrer avec l’univers pop du label (ce soir-là, Sepia Hours partage l’affiche avec Raymondo, Half Asleep, Some Tweetlove, etc.) Mais le résultat déçoit par son manque de spontanéité. Les deux amis décident alors de radicaliser leurs futures apparitions scéniques, laissant libre cours aux improvisations, avec en point d’orgue le Verdur Rock Festival. «Rien ne fonctionnait, se souvient Sébastien. Les larsens ne partaient pas quand il fallait et les boucles ne tournaient pas comme je l’aurais voulu. J’avais l’impression de patauger sur scène à tel point qu’après le concert, je n’osais pas trop regarder Jean. On ne se parlait pas en sortant de scène, un peu gênés, comme un couple qui aurait passé la nuit à essayer de faire l’amour sans y parvenir. Nous étions vraiment honteux. Et pourtant, après le concert, des gens sont venus nous féliciter. C’est là que j’ai compris que nous n’étions bons que quand notre musique nous échappait totalement. »

Depuis, Sébastien s’est produit seul au Mobile Institute, un concert qu’il évoque comme une thérapie. La veille, il avait travaillé tard sur un morceau plus pop à caler au milieu d’un set plus improvisé. « Au moment de le jouer, j’ai de nouveau fait demi-tour, préférant passer de boucles d’arpèges à de grosses distorsions. Le final a été très violent, avec énormément de cris et larsens. J’en ai craché du sang pendant 4 jours ! » Au final, toujours la même impression : les gens qui viennent aux concerts de Sepia Hours pour entendre l’album en ressortent frustrés ; ceux qui ne savent pas à quoi s’attendre se montrent les plus réceptifs. « Je réfléchis trop sur scène et, du coup, je suis incapable de jouer sainement ma musique. J’admire les artistes qui arrivent à jouer des chansons telles que sur leurs albums mais moi, je ne peux pas. »

Champs de batailles
Et l’avenir dans tout ça ? Avec Sepia Hours, on peut s’attendre à tout et on sait qu’on sera de toute façon surpris. « Il y a quelques jours, avec Jean, nous avons joué seuls dans une vieille station-service désaffectée, puis la nuit, sur un parking de supermarché. Ce genre d’expérience nous a réellement fascinés parce qu’on sentait qu’on s’approchait enfin de ce qu’on voulait faire : de la musique qui fusionne parfaitement avec le cadre dans lequel on la joue. Finalement, on s’est rendu compte qu’on s’éclatait vraiment en jouant dans un champ. Dans un avenir proche, c’est certainement une expérience qu’on va reproduire : on prendra une ou deux voitures et on emmènera cinq ou six personnes dans un champ où on jouera en fonction de l’instant, 5 minutes ou 3 heures. Nous jugerons selon l’intensité du moment… »

Demandez à 1000 musiciens pourquoi ils enregistrent des disques. 999 d’entre eux vous répondront que c’est une démarche tournée vers l’extérieur : communiquer avec le public, donner du plaisir aux auditeurs, passer à la radio, jouer en concert avec d’autres groupes intéressants ou même épater les nanas. A l’opposé, on trouve Sepia Hours qui n’inscrit sa musique dans aucune de ces approches. Pour Sébastien, jouer de la musique, c’est avant tout se libérer d’un poids, se soulager, mettre des notes sur ce qu’il peine à exprimer. Sa musique revendique ce côté purement égoïste, voire obsessionnel, qui lui permet de s’affranchir d’une quelconque tendance. Ce qui donne au final une discographie tortueuse qui s’écoute comme on lit un journal intime volé : l’enchaînement des événements met mal à l'aise mais fascine par sa sincérité brute.

Les liens intéressants:
Le site officiel : http://www.sepiahours.net/
Pour nos amis parisiens, Sepia Hours se produira le 30 novembre prochain au Centre Wallonie Bruxelles dans le cadre d'une soirée consacrée au label Matamore.

dimanche 2 septembre 2007

T'as le look, coco

Rentrée des crasses

Comme vous l'aurez remarqué, je n'ai pas chômé ce week-end. Pour la rentrée, j'ai même adopté un tout nouveau look, histoire de rendre le site un peu plus agréable pour vos beaux yeux. Et pour les prochains jours, je peux déjà vous annoncer quelques chroniques CD (Liars, Rothko, Maserati, Tunng, etc.), une première vraie interview (Sepia Hours), un petit coup de gueule contre la Fnac de Bruxelles (sans déc') et un carnet rose (New Kicks On The Blog fait des petits sur la Blogosphère, au grand dam de nos claviers).
Alors, terminez votre week-end en beauté, n'abusez pas de la Beria si vous visitez la brocante de Quévy-Le-Petit et rendez-vous demain pour de nouvelles aventures.
PS : les petites modifications du look du blog ont causé quelques bugs ce dimanche. Toutes mes excuses les plus plates à celles et ceux qui en auraient été victimes...