mardi 27 janvier 2009

Sylla Grinberg - London Traders

Mes connaissances en matière de photographie approchent le zéro absolu. Hormis quelques albums pour soutenir Reporters Sans Frontières et un volume de vieilles photos du Borinage qui dorment bien sagement entre deux dictionnaires, je ne m’intéresse pas vraiment à cet art. Pas par mépris. Ni par dédain. Juste par manque de temps. Dix vies ne me suffiraient pas pour effleurer du bout de l’index toutes les merveilles qui m’entourent. A un moment il faut opérer des choix. Et la photo est passée au second plan. Peut-être plus tard. Quand je serai sourd.

Néanmoins, je ne peux m’empêcher de partager mon émerveillement devant le travail éblouissant de Sylla Grinberg. Je n’aurais sans doute jamais croisé la moindre de ses photos si ses clichés n’avaient eu l’honneur - et quel honneur ! - de servir d’illustrations au numéro de décembre-janvier de Manière de voir, le bimestriel thématique édité par Le Monde Diplo. Cette édition, consacrée au Krach du Libéralisme, se voit rythmée par une série de photos en noir et blanc mettant en scène les traders londoniens, ces anciens maîtres du monde auto-proclamés qui ont mené dans le mur tout un système.

Comme souvent avec Manière de voir, les articles sont de très haute tenue (il y a même du Bourdieu au menu pour les amateurs, mais un Bourdieu mineur) et cernent avec un recul tout Diplomatique les origines d’une crise qui trouve ses racines au cœur même des fondements d’un système libéral dérégulé. Ce qui est remarquable, c’est la pertinence avec laquelle les photos de Sylla Grinberg soulignent la gravité de chaque texte, noircissant encore un tableau pourtant déjà bien sombre.

On y voit des traders, qui d’ordinaire blinquent dans leurs costards-cravates-boutons-de-manchette, sous un prisme inédit : ils y sont gris, livides, les traits fermés, chavirant sans but ni repères dans les rues de la City, exactement comme dans un portrait que j’avais récemment brossé du siège d’une banque qui tente désespérément de sortir la tête de l’eau.

Ce qui m’a frappé dans cette série de photos, c’est l’étrange similitude avec d’autres clichés : ceux des mineurs du Borinage, dégoulinant de sueur, édentés, le visage noir de crasse, traînant leur lampe et leur pic à la sortie du châssis à molette, marchant douloureusement jusqu’au coron pour un bol de soupe tiède et quelques patates.

« Les banques seront la sidérurgie du XXIe siècle » répètent certains économistes depuis 20 ans. A voir ces photos, on aurait même tendance à rapprocher la finance de l’industrie minière.

Le travail de Sylla Grinberg a été compilé dans un ouvrage titré London Traders, dans lequel « il a voulu montrer ces hommes de l’élite, qui, à un bout de la chaîne, organisent la misère quotidienne du plus grand nombre (…) et posé son regard acéré sur la matrice de l’exploitation et ses serviteurs zélés. »

Ce livre est publié par l’association àContreVue.

Le lien :

http://a.contrevue.over-blog.com/

vendredi 23 janvier 2009

Woven Hand & Ultima Vez - Puur

C’est une vidéo sur YouTube qui a attiré mon attention d’entrée de jeu, un soir où j'errais sur le net. Mais d’où diable sortait cette version acoustique de Horse Head de Sixteen Horsepower, une de mes chansons préférées de leur répertoire ? A ma connaissance, jusqu’à présent, ce titre qui n’est pas un des plus connus de leur discographie n’existait que dans une version folk-punk stridente sur le premier album Sackcloth’n’Ashes et également dans une version beaucoup plus calme mais tout aussi tendue sur l’album live Hoarse.

Or, voici que tombait du ciel un clip de cette même chanson, totalement épurée et revisitée à la guitare acoustique par un David Eugene Edwards se présentant sous la casquette Woven Hand. Mais c’est quoi, ce truc ? J’ai loupé un épisode ou quoi ?

Je cherche, je googlise à m’en user le bout des doigts et je tombe sur une explication (en allemand !) sur le site de Glitterhouse : fin 2006, le label teuton a sorti l’album Puur, attribué à Woven Hand & Ultima Vez. (mais ça, je ne l’ai qu’après avoir commandé le cd, parce que je ne comprends rien de rien à la langue de Goethe).

Verdict : j’ai bien loupé un épisode. Incorrigible étourdi. A ma décharge, je n’ai jamais suivi la carrière de Woven Hand d’aussi près que celle de 16hp. La séance d’auto-flagellation peut débuter.

Depuis 2002 déjà, David Eugene Edwards collaborait avec la troupe de danse Ultima Vez, menée par le chorégraphe flamand Wim Vandekeybus, pour laquelle il a composé plusieurs bandes son. L’album Blush Music, assez inégal (la version de Ain’t No Sunshine tirée sur 14 minutes a de quoi décourager le premier aventurier !), est d’ailleurs né de ce projet commun.

En 2005, il a remis le couvert pour le spectacle Puur, une création effrayante (à en juger les textes torturés et les photos sanguinolentes qui ornent le livret) qui a même été présentée au Festival d’Avignon et qui a accouché de cet album sorti sur Glitterhouse en septembre 2006, et qui m’était totalement passé sous le nez.

A peu de choses près, l’album Puur repose sur un concept similaire à celui de Blush Music : les morceaux chantés y côtoient des plages plus atmosphériques dans une tradition ambient folk qui n’est pas sans rappeler The Proposition, la splendide BO que Nick Cave et Warren Ellis ont signée pour le film du même titre. Le principal attrait de ce disque réside toutefois dans les versions alternatives de trois titres de Sixteen Horsepower et un de Woven Hand que David Eugene Edwards y propose.

Je retiendrai particulièrement Horse Head, scintillante dans son nouvel écrin acoustique qui remet au goût du jour l’ambiguïté de certaines des compositions de Sixteen Horsepower, écartelées entre une instrumentation mélancolique et des textes écrits le couteau entre les dents. J’hésitais encore mais maintenant c’est certain : Horse Head est définitivement ma chanson préférée du répertoire de David Eugene Edwards.

Autre moment fort de ce disque, la relecture du classique Low Estate accentue la structure en trois temps des arrangements à l’accordéon et lui confère une ambiance de kermesse flamande. Pour peu, on y devinerait le parfum des moules-frites, le goût amer de la Duvel et les chants paillards entonnés en chœur avec un Arno au bord du coma dans un combi de flics.

Le reste du disque fait la part belle à des compositions plus sombres et abstraites, agrémentées de ci de là de quelques spoken words qui donnent à l’ensemble une consistance salement brumeuse.

Seul bémol - et il est de taille - le CD propose également en bonus le trailer du spectacle ainsi que les vidéos de Horse Head et Low Estate. Si la première (présentée ici même ce 19 janvier) n’est ni dérangeante ni fulgurante, la seconde par contre frise le ridicule, avec cette espèce de vieille moumoute frisée qui gît aux pieds de l’artiste. Personne n’a le monopole du bon goût.

Hormis ce détail, I clap my dirty hands (notez le clin d’œil à peine voilé).

Les liens :

Woven Hand sur MySpace : www.myspace.com/wovenhand
Le label Glitterhouse: http://www.glitterhouse.com/
Le site d’Ultima Vez: http://www.ultimavez.com/

jeudi 22 janvier 2009

SardoniS - s/t EP

Sur certaines autoroutes, une bande de circulation est réservée aux camions pour ne pas perturber le trafic. Raison invoquée : la masse d’un semi-remorque le rend moins réactif que les véhicules légers, ce qui en fait un danger potentiel pour les autres usagers.

Suivant ce raisonnement, le duo belge SardoniS mérite à coup sûr sa propre bande, voire carrément sa propre autoroute. Dans la catégorie des poids lourds, SardoniS écrase tout sur son passage, méthode chasse-neige. Sur son premier EP éponyme, le duo délivre une puissance phénoménale qui le dispense de recourir à la profondeur d’une basse ou aux grondements gutturaux traditionnellement en vigueur chez les formations doom.

Riffs gras et bourdonnants, ralentissements de tempo, roulements de batterie spasmodiques, telle est la recette des quatre titres instrumentaux qui composent ce premier essai de SardoniS. L’alternance entre les envolées stoner-punk et les respirations aussi fines qu’un tyrannosaure ballonné rappelle par moments un autre duo guitare-batterie, les très bruyants Black Cobra. Les cris de bêtes en moins.

En attendant l’album qui devrait sortir cet été, les curieux devront se satisfaire de ce premier EP pressé dans un premier temps à 250 vinyles (épuisés malheureusement, mais j’ai le mien) et également disponible en téléchargement ici.

Le lien

www.myspace.com/sardonis666

dimanche 18 janvier 2009

Kazuo Koike / Kazuo Kamimura - Lady Snowblood

« Ne jamais dire jamais. » Jusqu’à très récemment, j’avais une sainte horreur des mangas. D’un côté, les dessins animés japonais m’énervaient au possible (épisodes tirés en longueur, recyclage d’images dans des plans fixes interminables, intrigues montées en épingles, etc.) Tous les Dragon Ball et compagnie, ce n’était vraiment pas pour moi.

D’un autre côté, je trouvais les BD particulièrement repoussantes, avec leurs couleurs criardes et ce mode de lecture de droite à gauche totalement contre nature. On avait pourtant essayé de me sensibiliser à Akira, mais rien n’y fit : je n’aime pas les dessins, je n’aime pas les animations, je n’aime pas les intrigues, je n’aime pas cet univers ultra-codifié.

Et puis, un jour, je vois dans un catalogue que sort la traduction en français de Lady Snowblood, "le manga qui inspira Kill Bill à Tarantino". La curiosité étant le plus vilain de mes défauts, je ne pouvais que jeter mon dévolu sur ce triptyque imposant (3 tomes d’environ 500 planches chacun), mais relativement sobre dans sa présentation. De surcroît, la signalétique « Pour public averti » sur les couvertures des trois volumes reste un argument infaillible quand je cherche de nouvelles lectures.

L’intrigue de Lady Snowblood est assez simple à résumer : sous l’ère Meiji (fin du XIXe siècle), Osayo est condamnée à la prison à perpétuité. Son crime : avoir tué l’un des quatre bourreaux qui ont assassiné son mari et son fils et n’ont pas hésité à la violer au passage. Sa vie dans sa cellule se réduit à une seule obsession : enfanter celle qui la vengera. Après avoir séduit l’un des gardiens, Osayo décède en mettant au monde sa fille Yuki, celle dont la destinée est toute tracée : retrouver les trois lâches qui ont ruiné la vie de sa mère et les faire payer pour leurs crimes ignobles.

Pour parvenir à ses fins, Yuki, aka Lady Snowblood, dispose de deux armes redoutables. Primo, un sabre dissimulé dans un parapluie qu’elle manipule à la perfection grâce aux techniques martiales que lui ont inculquées les plus grands maîtres. Secundo, une beauté pure et fatale qui met à genoux toutes celles et ceux devant qui elle tombe le kimono.

Voilà pour le « pitch ». Après le western spaghetti, bienvenue dans l'univers fleuri et parfumé du western sushi. Les trois tomes de Lady Snowblood relatent donc le parcours de Yuki pour laver l’honneur de sa mère, dans un Japon miné par la corruption et un nationalisme galopant. Tout au long de sa quête s’entassent les cadavres par camions entiers. Des têtes tombent, des membres se disloquent, des corps s’ouvrent en deux comme on fendrait une bûche. C’est d’une violence extrême (on pourrait en faire, du boudin, avec toute cette hémoglobine !) et, quand Yuki range enfin son sabre, c’est pour user de son autre arme, encore plus efficace, celle qu’elle dissimule (à peine) entre ses jambes parfaites. Du sang et du cul, pour peu on se croirait sur TF1… sauf que, malgré les apparences, il flotte sur ce récit un étrange voile de pudeur. Je crois que c’est ce qu’on appelle une sobre beauté.

Après avoir refermé le troisième et dernier tome de Lady Snowblood, j’ai pu revoir mon jugement peut-être un peu hâtif sur les mangas en général. J’y ai adoré une narration qui ne respecte aucune chronologie (tiens, tiens, Tarantino…), une certaine forme de poésie dans les dialogues, la froideur polaire d’une héroïne qui me rappelait par moments le V d’Alan Moore, la violence politique du propos nuancée par des chorégraphies martiales superbement dessinées.

Je ne sais pas si Lady Snowblood est un titre représentatif de ce qu’on peut trouver d’habitude dans un manga. Mais en tout cas, j’ai vraiment accroché.



lundi 12 janvier 2009

Petula Clarck / El-Dinah / Graffen Völder - Yo Split EP

Pour bien commencer l’année, je te propose une petite visite guidée de ma chère Wallonie, entre les cougnoles et la saucisse blanche, l’Eau de Villée et les boulets sauce lapin, la Ciney blonde au fût et le boudin de Liège. Pour la divine tarte al’djot, désolé, mais je n’ai pas de groupe nivellois sous le coude.

Voici donc un court EP ma foi fort sympathique, qui nous emmène sur un circuit vallonné entre les terrils et les bassins sidérurgiques.

Point de départ de ce voyage : Mons où on découvre deux titres du duo Petula Clarck. Rien à voir ici avec la poupée décolorée qui chantait Downtown. On a plutôt à faire à deux brûlots punk-rock, bordéliques voire épileptiques. Un œil sur le compteur effacera le moindre doute qui aurait pu subsister sur l’urgence des compositions : mis côte à côte, les deux morceaux de Petula Clarck n’atteignent pas les deux minutes. En boxe, ça ne fait même pas un round et on est pourtant déjà au tapis. C’est ce qu’on appelle du « vite fait bien fait ».

Deuxième ville étape : Andenne. On y retrouve El-Dinah dont on avait déjà parlé l’année dernière. Le relief se fait plus escarpé, on change donc de braquet. A l’approche frontale de Petula Clarck, El-Dinah répond en fourbissant ses armes : des structures complexes et tortueuses, des changements de tempo à chaque méandre. Non madame, El-Dinah ne fait pas dans la dentelle. Mais là où Petula Clarck dévalait les pentes en trompe-la-mort, El-Dinah préfère jouer au yoyo en queue de peloton avant de placer l’accélération fatale, là où on s’y attendait le moins. Moi, sur le bord de la route avec ma casquette et mon frigo-box, j’applaudis des deux mains.

L’arrivée se juge à Huy, la ville où le duo basse-batterie Graffen Völder reprend le relais avant le dernier sprint. L’ultime virage se négocie sous un torrent de sauvagerie, faisant virer toutes les aiguilles dans le rouge. Pas très académique, Graffen Völder nous gratifie d’un sprint final en zig zag : sur le tandem, l’un pédale pendant que l’autre déstabilise les adversaires à coups de chaînes de vélo sur la tronche. Au contrôle pipi, pas sûr qu’on ne retrouve que de l’eau chez ces deux-là. Mais quand on entend les clowneries de la bourgmestre locale, on leur pardonne tout.

Sur la ligne d’arrivée, je scrute le chrono : six morceaux (deux chacun), emballés en moins de 20 minutes. C'est ce qu'on appelle une belle introduction au rock wallon.

Les liens

El-Dinah sur MySpace : www.myspace.com/el-dinah

Graffen Völder sur MySpace : www.myspace.com/graffenvolder

Petula Clarck sur MySpace : www.myspace.com/petulaclarck

Commander l’album : http://www.mandai.be/info.php?id_mandai=50491

vendredi 9 janvier 2009

Will Eisner - New York Trilogie


New York est une ville qui m’a marqué au fer rouge. En préparant ce texte, j’avais d’ailleurs un peu le bourdon en réalisant que ma dernière rencontre avec THE ville remontait à exactement dix ans. Je n’ai manifestement pas vu le temps passer puisqu’entre 1998 et 2009, ce sont bien onze années qui se sont écoulées et pas dix. C’est ce qu’on peut appeler une petite erreur de calcul révélatrice.

« Un jour j’irai à New York avec toi » ai-je promis à ma chérie, promesse que je réitère. En deux séjours de trois jours chacun (l’un en 97 ; l’autre en 98), j’y ai découvert des bribes d’une ville fascinante, qui a développé sur moi un étrange pouvoir d’attraction, moi qui suis d’ordinaire si imperméable au charme des grandes métropoles.

A New York, tout semble s’accélérer. Tout y est exagéré, disproportionné, toutes les formes d’excès s’y enchaînent à un rythme effréné. En onze ans, ma mémoire a certainement trié une bonne partie de mes souvenirs, mais je dois avouer qu’en seulement quelques jours, j’y ai vécu un nombre anormal d’expériences hors du commun. En vrac et dans le désordre :

J’ai acheté pour quelques dollars un exemplaire de l’album A Thousand Leaves de Sonic Youth, quelques semaines avant sa sortie officielle. Le CD était barré du message « Promotional only - Not for sale », ce qui n’avait pas l’air de déranger le disquaire. Qui a dit que le mp3 avait tué l’industrie musicale ?

J’ai visité l’atelier d’un artiste peintre du Bronx qui faisait une fixette sur les canapés : toutes ses toiles représentaient des sofas. Son atelier ressemblait à un immense catalogue Ikea mis en page par Magritte.

Dans l’arrière-boutique d’un magasin de fringues de Soho, un mec m’a proposé de me fabriquer un faux permis de conduire de l’Etat de New York pour 10 dollars. Prêt en 15 minutes. Pas de bol, j’en avais déjà un de l’Etat d’Ohio, véridique celui-là. A y repenser, j’aurais dû me laisser tenter.

Dans la rue, outre les habituels voyous qui te vendent de fausses lunettes Oakley pour 10 dollars, je me suis fait alpaguer par le sosie de Huggy-les-bons-tuyaux. Il voulait absolument que je lui file 100 billets pour une bague dont il n’en a finalement obtenu que 5. Avec la bague, j’ai eu droit à un catalogue : « Tu me dis ce qui t’intéresse, une montre, un bracelet, une ceinture, et tu me donnes ton prix. Je vais les voler dans le magasin Ted Lapidus ici derrière et je t’amène la marchandise dans une heure. » Ville de fous…

Dans un resto, j’ai été incapable de chier dans des chiottes dont les portes étaient tellement basses qu’on aurait pu tout aussi bien chier la porte ouverte. Assis sur le trône, le futal sur les chevilles, j’essayais de me concentrer sur mon œuvre quand un pote est entré à son tour dans les gogues. « Salut, ça va ? » qu’il me fait, surpris par tant de proximité. Ça m’a coupé dans mon élan. Je n’aurais pas pu.

Dans une sorte de grand bazar dédié à l’univers de Warner Bros, une vendeuse m’a rendu la monnaie en dollars martiens : une belle pièce d’argent frappée « In Gluteus Maximus We Trust », valable jusqu’au 24 ½ siècle, qui dort bien sagement dans mon portefeuille depuis lors.

J’ai failli me faire jeter du World Trade Center - ou était-ce l’Empire State Building ? - pour avoir osé prendre cette photo à l'entrée des ascenseurs.


Les vigiles avaient du mal à comprendre mon étonnement tout européen. Moi, de mon côté, je peinais à saisir le but de cette pancarte. C’est vrai que dans nos esprits étroits, nous n’envisagerions jamais d’emporter un flingue ou une lame au boulot. Au pays des libertés, par contre… En y repensant maintenant, je ne me souviens pas avoir vu ces mêmes pancartes en empruntant les lignes aériennes intérieures. L’histoire est pleine d’ironies, n’est-ce pas ?

Dernier épisode que je retiendrai avant d’en terminer avec cette longue digression : c’est à New York que j’ai appris à connaître et apprécier un certain J., camarade de classe dans l’Ohio, fan de gangsta rap, la casquette toujours profondément vissée sur la tête. Pourquoi je parle de lui ? Primo parce que jusqu’à ce voyage à NYC, j’étais persuadé que tous les fans de gangsta rap étaient des crétins prétentieux et que j’ai découvert en lui quelqu’un de brillant, à l’humour très fin. Secundo parce que, quelques mois plus tard, ce même J. s'interdisait à jamais d'assister à son 19e anniversaire en se tirant une balle en pleine tête. Excès, excès...

Pourquoi tout ce blabla ? Simplement pour introduire la réédition chez Delcourt de New York Trilogie, un splendide roman graphique rédigé dans les années 80 par Will Eisner, un Dieu de la BD, et qui restitue à merveille cet état d’esprit propre à New York.

Le premier tome, baptisé «La ville» se compose d’une série de vignettes qui brossent un portrait de la ville depuis plusieurs points de vue différents : ses égouts, ses odeurs, sa musique, son métro, etc. En une case ou sur plusieurs planches, on y retrouve cette atmosphère qui, selon moi, n’existe que là-bas : le temps y tourne trop vite, toute situation prend des proportions extraordinaires.

Dans le deuxième tome, « L’Immeuble », Will Eisner suit la destinée de quatre fantômes dont la vie tourne autour d’un vieil immeuble, voué à être rasé et remplacé par une belle tour de verre moderne. C’est l’occasion de dépeindre un quartier, avec ses passants, ses habitués qui s’y croisent et recroisent sans même s’en rendre compte. Une rue, un bloc de maisons, un quartier auraient-ils une âme propre qui dépasserait celle des habitants qui les peuplent ? C’est en tout cas ce qui m’avait le plus frappé quand je traînais dans Big Apple.

Enfin, dans le dernier tome, « Les Gens », Eisner démontre par l’absurde une théorie selon laquelle plus une ville grouille de monde, plus ses habitants deviennent invisibles. A travers trois histoires suffocantes et un peu surréalistes (on dirait presque des épisodes de The Twilight Zone), il dépeint une ville à la personnalité tellement forte qu’elle finit par vider de leur substance ses habitants les plus faibles, jusqu’à leur ôter la vie. « NYC Ghosts and Flowers » chantait Lee Ranaldo, une de mes préférées de son répertoire.




Avec ces trois belles reliures qui totalisent environ 400 planches, Will Eisner rejoint la catégorie de ceux qui ont élevé cette ville au rang d’objet de culte en soi : Paul Auster, Woody Allen, Andy Warhol, Lou Reed, Martin Scorsese, Sonic Youth, Suzanne Vega, Beastie Boys, etc.



mardi 6 janvier 2009

No Fun


Ron Asheton, guitariste légendaire et fondateur des Stooges, a été retrouvé mort à son domicile aujourd’hui. Il avait 60 ans.



samedi 3 janvier 2009

Guernica - Who are your songs for?

Brièvement évoqué lors de la modeste rétrospective de l'année écoulée, Guernica mérite qu'on s'y attarde le temps de parcourir ensemble les six morceaux d'un premier EP fabuleux. Il faut dire qu'à force de m'enfermer dans l'écoute de disques de plus en plus bourrins, voire autistes, j'en étais arrivé à douter de ma capacité à encore m'émouvoir pour une musique qui sait se faire délicate.


Et voilà que déboule ce quatuor bruxellois, avec sous le bras Who Are Your Songs For?, un premier EP qui, tel la traditionnelle galette du premier janvier, ravive une série de souvenirs musicaux refoulés depuis une époque où ma chaîne hi-fi ne jurait que par Quickspace, Pavement ou Blonde Redhead. Voici donc mon premier effroi indie-pop depuis bien longtemps : des guitares extrêmement mélodiques, des compos sophistiquées mais nullement arrogantes, un chant pas tout à fait en retrait posé juste comme il faut et, surtout, une batterie nerveuse qui montre son cul aux principes communément acceptés d'une rythmique pop et proprette.


Ce premier disque s'écoute donc comme un plaidoyer abondamment documenté en faveur de la déconstruction méticuleuse de mélodies pop. C'est clair et précis, tout comme les titres des six morceaux qui le composent : de I Wish I Was American à I Cried The Day Marlon Brando Died, en passant par un Conscientiously Escaping The Chains Of Western Civilization I Am What You Could Call A Post-Modern Houdini, plus long à prononcer qu'à écouter...

Les liens:

Guernica sur MySpace: http://www.myspace.com/theguernica

Ecouter l'album : http://www.ivyagency.net/booking/artists/guernica/discography.htm

Acheter l'album : http://www.vlasvegas.be/