lundi 25 août 2008

Trésors de brocantes : épisode 2 / un conte ordinaire

La brocante de Temploux est à une brocante ordinaire ce qu’un hypermarché Carrefour est à mon épicerie du coin. Temploux, ce sont des kilomètres d’allées d’exposants pendant tout un week-end, du petit brocanteur occasionnel qui revend les jouets de ses gosses au spécialiste qui expose ses ferronneries anciennes à des tarifs exorbitants.

Parmi les objets insolites repérés cette année, citons un splendide buste de
Johnny en cuivre (échelle 1:1), deux sièges d’avion de la défunte Sabena et l’imbitable collection de bouteilles allongées et canettes vintage d’une boisson pétillante aux extraits de végétaux.

Nous, on y va en simples touristes. On ne cherche rien de particulier, juste une promenade en amoureux un dimanche après-midi. De toute manière, toutes les bonnes affaires ont déjà été raflées la veille. Il y a quatre ans, nous y étions déjà allés et j’avais cru perdre les eaux eu découvrant ces exposants et leurs dizaines de caisses de vinyles collector. Chaque pièce ajoutait une larme dans mes yeux clairs, chaque étiquette de prix en arrachait une autre.

Cette année, travaux dans la maison obligent, nous avions volontairement allégé nos porte-monnaie et limité nos budgets à quelques pièces de deux euros.

Alors on se promène, on admire les vieux bisounours et on tombe sous le charme d’une rangée de trois anciens sièges de cinéma en bois, les vieux sièges dont l’assise se replie contre le dossier. Un petit coup de vernis et quelques coussins auraient vite fait de redonner une seconde vie à ce petit trésor qui aurait fait jaser bien des invités au moment de passer au salon. Et seulement 150 euros… Mais vu qu’on est venu avec seulement quelques euros dans les poches, tant pis, ça fera d’autres heureux.

Soudain, va savoir pourquoi, je me sens irrésistiblement attiré vers un étal sur laquelle trônent six caisses de disques, des BD emballées du papier moisi et même des cassettes en dehors de leur boîte. La communication entre le cerveau et les jambes se rompt : pas moyen de faire marche arrière. Je fais défiler les pochettes et mon regard s’illumine. C’est la pêche miraculeuse : du Stax, des Beatles, du Iggy Pop, du Bowie, un Psychedelic Furs qu’un ex-collègue m’avait un jour prêté, du Léo Ferré, du Floyd, etc. Et les étiquettes qui indiquent entre 4 et 7 euros. Il y avait dans ces caisses beaucoup de choses que je possédais déjà, puis, Il est arrivé. Dans sa belle pochette. Avec son étiquette « 7 euros ». Qui ça ?

Donne-moi un P.

Donne-moi un I.

Donne-moi un X.

Donne-moi un autre I.

Donne-moi un E.

Et termine avec un S.

Seigneur à cornes : les Pixies. Pour être tout à fait précis, le maxi vinyle de Velouria. 7 euros. Cet homme est sans doute un Samaritain perdu en Wallonie. Pendant ce temps, madame sort d’une autre caisse deux numéros de Batman en format poche, édition de 1979, l’année de ma naissance.

J’embarque mes trouvailles que je présente au marchand, un type d’environ 60 balais, casquette vissée sur la tête, teint hâlé et fort accent algérien. Il m’emballe le Pixies, l’album Wish You Were Here des Floyd et les deux Batman pour… 12 euros. Il lance la conversation:

- Les Pixies, ça c’est du bon, pas vrai ?
- Ben ouais…
- Tu sais que les autres exposants, il demandent au moins 25 ou 30 euros pour un disque des Pixies ? Moi, celui-là, je l’avais pas mis en vente hier. Autrement, il serait parti tout de suite. J’ai préféré attendre dimanche, comme ça je sais que ça fera plaisir à un connaisseur. 30 euros, y sont fous ! La musique, ça doit rester un plaisir, pas un effort, hein ? 30 euros, vaut mieux les garder pour acheter du lait ou du mazout, pas vrai ?
- Oui m’sieur. Merci m’sieur.

Ce mec, c’est un Grand Mec. Quelqu’un qui a tout compris à la musique. Et grâce à lui, me voilà avec le maxi vinyle de la mort : Velouria et Make Believe en face A, I’ve been waiting for you et The Thing en face B. Il était là, il m’attendait. Rien que pour moi. Loué soit le dimanche après-midi.

[Morale de cette belle histoire:]

Si un jour, sur une brocante, tu croises un type qui ne paie pas de mine, avec un look de pêcheur de truites et quelques cartons exposés sur le capot de sa vieille Mazda 323, prépare-toi à sortir les biftons parce que tu risques de lui emporter tous ses cartons. Et au passage, salue-le de ma part.

Quel mec...

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