lundi 31 mars 2008

You don't know - Ninja Cuts

Ben si justement...

Quand la crise du disque a commencé il y a environ cinq ans, qui aurait parié le moindre sesterce sur la survie du label Ninja Tune, avec sa grosse quinzaine de sorties annuelles ? Moi, si j'avais eu un sesterce. Et d'autres passionnés du bel objet. Là où certains se demandent toujours pourquoi les chiffres ne remontent pas malgré la mise à la porte des groupes les moins vendeurs, Ninja Tune a développé la stratégie inverse : se concentrer sur la recherche du talent rare, proposer des albums de qualité et soigner le produit final. Pour appâter le connaisseur, on n'hésite plus à sortir des pièces exclusives en vinyle, un DVD assorti d'une paire de lunettes 3D du plus bel effet ou mieux, à liquider une partie des stocks à l'occasion de concours réguliers qui m'ont permis de recevoir quelques vinyles dédicacés que je montre fièrement au passant indifférent.

- T'as vu mon EP dédicacé par Sixtoo ? Dé-di-ca-cé par Six-too, j'te dis !
- Et mon cul, tu l'as vu ?

Connaissent rien à rien, ces passants...
Pour appuyer son approche, le label britannique sort de temps à autre une compile magistrale, sorte de catalogue de ce qui se fait de mieux dans la maison. Chez Ninja Tune, on a élevé la compile au rang d'objet incontournable, bourré d'inédits, de remixes, de faces B, de feat's et de beats. [ça, c'est pour montrer que je parle plusieurs langues]

Ce You don't know s'inscrit donc dans la lignée de Xen Cuts, grosse machine de guerre sortie en 2000 et par laquelle j'avais découvert, ô suprise, que la musique électronique n'était pas que de la merde prémâchée pour se tuer sur une route mal éclairée le samedi soir et faire la Une de la gazette locale le lundi matin. En huit années, la formule n'a pas pris une ride : packaging impeccable, livret truffé d'infos sur chaque titre et surtout un triple CD qui part dans tous les sens. Si les poids lourds de la maison sont évidemment à l'affiche (Amon Tobin, Coldcut, The Herbaliser, The Cinematic Orchestra, Roots Manuva, Jaga, etc.), tout l'intérêt d'une telle compile est à chercher en deuxième ligne, chez ces diamants bruts dont le nom me semblait familier, mais auxquels j'associais une idée très approximative. Ghislain Poirier (remixé par Modeselektor en plage d'ouverture, quelle bombe!), Daedalus, The Heavy, Yppah, One Self, Loka, Pest, Ammoncontact sont autant de découvertes spectaculaires.
Par ailleurs, la comparaison avec la cuvée 2000 permet de mesurer le chemin parcouru depuis lors et surtout l'intelligente diversification des styles ici représentés. L'electro, le hip hop, l'acid jazz, la drum'n'bass sont toujours de la fête. Mais Ninja Tune, c'est désormais aussi du rock (Pop Levi), de la chanson (Fink), du blues (John Matthias).

C'est vrai que j'ai souvent défendu l'achat impulsif (la belle pochette, le nom de groupe marrant, le titre d'album biscornu). You don't know, c'est tout le contraire. C'est même l'achat le plus rationnel qu'on puisse faire ce mois-ci. Sur la liste des courses, il faut le placer entre le pain et le café. On n'aurait pas idée d'aller à un rendez-vous galant sans s'être brossé les dents. On n'aurait pas idée non plus d'aborder l'été 2008 sans avoir cette compile à portée de main.

Le site officiel : http://www.ninjatune.net/

samedi 29 mars 2008

Ce samedi, c'est Rhâââ Lovely

... et pas ravioli. Voilà, comme ça, le jeu de mots à deux dollars est casé. J'aurais été profondément déçu de ne pas pouvoir le placer, celui-là. Mais il est doublement justifié.

Primo, une compilation (un sampler comme disent les Etatsuniens) des artistes présents à l'affiche du Rhâââ Lovely cette année est disponible ici.

Secundo, les organisateurs se sont prêtés au jeu de la compilation Cadavre Exquis à l'invitation de la Blogothèque. Rappel rapide du principe : une personne lance les hostilités en choisissant une chanson, ensuite chacun y répond en s'inspirant du morceau précédent. Le résultat, avec les petits textes accompagnant chaque titre, est à découvrir ici.

Et pour celles et ceux qui l'avaient loupée, la compilation Cadavre Exquis du label Matamore est toujours disponible ici.

Pour l'illustration visuelle, j'étais à court d'inspiration. C'est une recherche aléatoire sur Google Images qui m'a pondu cette merveille.

mardi 25 mars 2008

Earth - The Bees Made Honey In The Lion's Skull

Tremblement de terre

Earth, c'est un drôle de groupe. Pour la bio complète, je vous conseille d'avaler un peu de paracétamol et d'aller voir celle qui figure sur le site officiel. Pour résumer, et si j'ai bien retenu, on peut dire que Earth a vu le jour au début des années 90, a sorti ses premiers albums sur Sub Pop avant de voir ses membres se barrer les uns après les autres.

Pour ma part, je n'ai découvert ce groupe qu'avec Hex, disque qui marquait leur grand retour en 2005. Jusque là, je n’avais jamais entendu la moindre note de Earth. Et pour dire vrai, ce Hex m'avait laissé de marbre. Trop abstrait, trop carré, trop linéaire, cet album était entré par une oreille et sorti par l'autre, malgré tout le bien que les fans de longue date ont pu en écrire un peu partout sur les blogs spécialisés en drone, doom et autres musiques qui tournent au ralenti. De mon côté, je n’y avais entendu que des gammes religieusement répétées jusqu’à l’épuisement. J’ai dû passer à côté du concept comme disent les créatifs.

2008 voit la sortie d'un nouvel album auquel je n'aurais prêté aucune attention si je n'avais lu une chronique dithyrambique dans l'édition flamande de Rif Raf. Bonne intuition puisque, dès les premières notes de Bees, la perplexité que m'avait suscitée l'horrible pochette a été rapidement balayée par un sens de la composition nettement plus affirmé que sur Hex. En effet, contrairement à nombre de groupes de doom, Sunn O))) en tête, Earth ne blinde pas ses morceaux de basses vrombissantes ou d'une rythmique éléphantesque. Une batterie métronomique mais étrangement discrète, des riffs de guitare savamment dosés et quelques nappes de claviers impriment à cet album des allures de marche funèbre pour western. L’apparente légèreté des premières notes se dissipe rapidement pour dévoiler un paysage figé, en suspension quelque part entre ciel et enfer. Les sept morceaux, tous instrumentaux, se succèdent ainsi comme un éternel recommencement, un long conditionnement à un futur incertain, si futur il y a. Les premières écoutes sont d’ailleurs assez déstabilisantes : j’avais l’impression d’écouter sept longues introductions désossées, attendant impatiemment le roulement de batterie ou la pédale de disto qui allait enfin ouvrir les hostilités. Mais rien de tout cela chez Earth.

Si des groupes plus sauvages comme Sunn O))) ou Black Engine s’entêtent à recréer le chaos total sur leurs disques, Earth dépeint l’après chaos : un paysage où la gravité a disparu, où le temps s’est arrêté, où toute forme de vie a cessé. Les textures musicales de ce disque sont à mille lieues des références industrielles habituelles. Ici, il est plutôt question des vastes plaines arides de l’ouest américain, de soleil brûlant et de la caravane d’un croque mort aux rouflaquettes abondamment fournies. Ce dernier scrute d'un oeil jaune votre carcasse décharnée et se dit que les vautours attendront encore un peu pour le festin des rois.

A regarder : un court extrait de Earth sur scène


samedi 22 mars 2008

Remixez le nouveau single de Jamie Lidell

Un saucisson de licorne

Ayé : Jamie Lidell a levé le voile sur le premier single extrait de son nouvel album. S'il faudra encore attendre trois semaines avant de pouvoir acheter Little Bit Of Feel Good, le clip tourne déjà à plein régime sur YouTube, une vidéo complètement à l'ouest dans laquelle Jamie Lidell se tape... une licorne.



Pour fêter l'événement, le plus funky des Anglais lance son grand concours de remixes... sans vraiment préciser ce que gagnera le lauréat (une nuit avec son cheval ?) Pour participer, il suffit de télécharger la piste de voix ici, de bidouiller tout ça sur votre ordinateur de course ou sur le vieux Revox de papa, et de renvoyer le résultat à l'adresse jamielidell@warprecords.com avant le 1er avril. L'artiste espère que sa nouvelle coupe de cheveux pourra ouvrir les portes de l'inspiration.

Les liens intéressants :
Le site officiel : www.jamielidell.com
Sur MySpace : www.myspace.com/jamielidell

vendredi 21 mars 2008

Trois nouvelles chansons de Pop Levi

Glamorama

C'est en écoutant You Don't Know, l'excellente nouvelle compile du label Ninja Tune (la chronique suivra bientôt), que j'ai découvert la chose : Pop Levi, le bassiste de Super Numeri, icône nostalgique du glam et du rock psyché, prépare un nouvel album. Ceux qui se sont procuré ladite compile en découvriront un extrait : Dita Dimone. Pour ceux qui ne l'ont pas encore achetée (mais si avez du goût, je suis certain que ça ne saurait tarder), le même morceau ainsi que deux inédits sont à écouter en avant première ici. Le nouveau disque s'intitulera Never Never Love mais aucune date de sortie officielle n'a encore été annoncée.

mercredi 19 mars 2008

Je n'aime plus la Belgique

Vous n’avez peut-être rien remarqué, mais c’est un fait : je n’aime plus la Belgique. Je n’avais rien prémédité, la nouvelle m’est tombée dessus un dimanche matin, entre le jus d’orange et le café. A vrai dire, je crois que j’en ai un peu marre de la Belgique. C’est vrai, quand on y regarde de plus près, c’est quoi la Belgique ? Un climat pourri (9° toute l’année, comme la Chimay), des pics de pollution toutes les semaines, un gouvernement constamment soit en affaires courantes, soit en campagne électorale, une cuisine pas très raffinée et une équipe nationale de football qui fait rire du Kazakhstan à la Finlande.

A un moment, pourtant, on a cru que la Belgique, c’était un pays de marrants. Les blagues belges, c’est un truc qui faisait toujours sourire. Mouais… A y regarder de plus près, je n’en suis plus si sûr. L’Uruguay, le Monténégro, la Macédoine, la Mongolie, Andorre, la Micronésie, l’Ingouchie, le Zimbabwe, voilà des pays qui ont des noms rigolos. Mais la Belgique, franchement ? Même Coluche était nul quand il racontait des blagues sur les Belges. « Une frite, une fois », ça n’a rien d’amusant. C’est juste pathétique.

D’ailleurs, si on prenait le temps d’observer nos héros nationaux d’un peu plus près, on serait peut-être un peu moins fier. Eddy Merckx se dopait, Jacques Brel chantait trop fort, Sandra Kim tourne dans des pubs pour des fricadelles, Tia Hellebaut pour des pizzas, Justine Hénin pour des châssis (au moins, pendant ce temps-là, elle ferme sa g…), Dirk Frimout a le charisme de Bob l’éponge, Benoît Poelvoorde a chopé l’accent parisien, Adamo est trop petit, Louis Michel trop gros, Johnny Halliday trop riche, Jean-Claude Van Damme trop aware, les frères Dardenne trop laids. Reste Cécile de France. Cherchez l’intrus.

Et nos rois ? Léopold Ier n’était même pas belge. Léopold II était mégalo. Albert Ier ne tenait pas sur ses pattes. Léopold III était un poltron. Baudouin Ier était raide comme un pied de chaise. Albert II a trompé sa femme. Si au moins c’était avec un mannequin. Mais non, en Belgique, on fait tout à l’envers. Le Roi épouse une splendide princesse italienne (il faut revoir les images d’époque de Paola) et il la trompe avec la baronne Sybille de Selys Longchamps. Est-ce qu’il avait vraiment les yeux en face des trous ? Encore un Belge qui n’a rien compris.

D’ailleurs, si on s’en tient à l’Histoire, on voit que la Belgique a été tour à tour française, hollandaise, espagnole, autrichienne, presque allemande (mais les boches ont fait tintin). On les a chassés ? Moi je crois plutôt qu’ils sont tous repartis aussi vite qu’ils étaient arrivés. Trop compliqués à gérer, ces Belges…

Avant, je pouvais encore me consoler en dévorant une tablette de Côte d’Or noir intense 85% de cacao. Mais Côte d’Or n’est même plus belge depuis que la marque a été rachetée par Kraft, elle-même sous l’égide de Philip Morris. Bref, quand j’en suis à mon troisième carré de noir jaune roue intense, j’enrichis indirectement un empoisonneur américain. Mais merde quoi !

Non, la Belgique, c’est fini. J’en ai raz la casquette. Les Didier Reynders, les Jean-Michel Zecca, les Helmut Lotti, les Lara Fabian, les Amélie Nothomb, les Jean-Michel Saive, les Dirk Janssens (celui qui essaie de nous vendre du Cillit Bang pour remplacer notre dentifrice), les Tintin, les Spirou, les Schtrompfs, Bob et Bobette, je ne peux plus vous encadrer. Vous me faites gerber mon chocolat à la clope.

Alors, je cherche la solution.

Une Wallonie libre ? Je réécrirai le même texte dans deux semaines sur la Wallonie.
Un rattachement aux Pays-Bas ? Je suis trop petit, j’ai les cheveux trop foncés, je n’aime pas le vélo et mon néerlandais n’est pas assez bon.
Un rattachement au Luxembourg ? Ma femme n’aime pas les moustachus.
Un rattachement à l’Allemagne ? Allez dire ça aux anciens.
Un protectorat anglais ? Je me vois mal abandonner le système métrique ou conduire à gauche.

Bon, ben il ne nous reste plus que la France.

Alors, j’allume ma télé et je vois Alain Delon rendre hommage à Romy Schneider, je vois David Pujadas lire son prompteur, je vois Jean-Michel Aphatie analyser la politique à la façon de Thierry Roland. Puis, je vois un président qui a pété les plombs.

Finalement, la Belgique, c’est vrai que ce n’est pas terrible. Mais jusqu’à présent, je n’ai rien trouvé de mieux. Nous, les Belges, nous avons quand même une qualité que les autres n’ont pas : nous sommes nuls, mais nous le savons. Nous en cultivons même une certaine fierté, ce qui donne des pubs hilarantes.



mardi 18 mars 2008

Le nouveau Boris arrive

Non non, rien à voir avec les soirées Disco. Attention aux homonymes. Boris, le plus rock'n'roll des groupes japonais, sortira le mois prochain son nouvel album sur le label Southern Lord. Smile sera leur premier album à part entière depuis Pink, sorti il y a deux ans. Entretemps, ils n'avaient pas chomé puisqu'ils avaient collaboré avec Merzbow pour un disque plus abstrait, et aussi et surtout avec Sunn o))) pour le tonitruant projet Altar.

La bonne nouvelle, c'est que le premier extrait de ce nouvel album a déjà fait l'objet d'une vidéo que voici. Le morceau est baptisé Statement et vient de sortir en 45 tours limité à 3000 exemplaires. Attention, ça déménage !





Les liens intéressants :
Le site officiel : http://homepage1.nifty.com/boris/top.html
Le label Southern Lord : www.southernlord.com

Rhâââ Lovely Festival

La preuve par neuf

Fermez les yeux.

Imaginez un festival qui programmerait non pas les succès d'hier, ni même les échecs d'aujourd'hui, mais bien les talents de demain.
Imaginez un festival qui se passe dans un lieu convivial, auquel l'accès a été volontairement limité à 600 personnes, histoire de laisser au public un peu d'air frais, ainsi que cette notion obsolète qu'est la liberté de mouvement entre deux scènes.
Imaginez un festival où votre boisson ne vous coûtera pas 2,50 euros qui enrichiront un actionnaire brésilien.
Imaginez un festival qui place l'éthique et le commerce équitable en tête d'affiche.
Imaginez un festival qui se passe de sponsors privés.
Imaginez un festival qui ne collabore pas avec Live Nation.
Imaginez un festival qui a osé parier sur des noms peu connus à l'époque et qui ont ensuite squatté les affiches les plus illustres (Deerhoof, Bracken, Pelican, 31Knots, Half Asleep, Raymondo, 65DaysOfStatic, Calc, Manyfingers, Grails).

Maintenant, vous pouvez ouvrir les yeux.

Ce festival existe : c'est le Rhâââ Lovely Festival et ça se passera à Fernelmont ce samedi 29 mars. Une affiche pointue (une affiche d'initiés diront certains) qui s'enterre dans un bled de la campagne namuroise (c'est le moment d'emprunter le GPS de papa), mais la garantie d'une journée musicale riche, pour toutes les oreilles et à portée de toutes les bourses (13 euros pour 13 groupes). A l'affiche cette année, on suivra particulièrement les régionaux de l'étape (El Dinah, Graffen Völder) et les autres gros morceaux (Dead Meadow, Enablers).



Le site officiel : http://www.rhaaalovely.net/
Ma chronique de l'édition 2007 : ici.

lundi 17 mars 2008

Frank Shinobi - Ibonishkanrf


Cocorico

On raille souvent le chauvinisme des Français. Mais le chauvinisme musical de la Communauté Wallonie-Bruxelles n'a rien à envier à nos voisins d'outre-Quiévrain. Il faut bien reconnaître que dans la douzaine de groupes encensés de Mouscron à Arlon (Girls In Hawaii, The Tellers, Ghinzu, Showstar, Soldout, Superlux, Mud Flow, Hollywood P$$$ Stars, My Little Cheap Dictaphone, Sharko, Malibu Stacy, etc.), il y a du bon... mais aussi du très mauvais. On ne va pas distribuer les coups de bâton, mais quand on remplit des salles aussi prestigieuses que l'AB quand on joue à domicile, alors qu'on peine à attirer plus de trois scouts et une cousine en vacances dans le coin quand on joue à 50 km de la frontière, il y a de quoi se poser des questions. Si le talent s'exporte parfois difficilement, la frontière reste toujours imperméable aux imposteurs.

Dans ce contexte difficile, il reste des tas d'artistes sérieux mais moins exposés au ondes de la FM qui tentent de parcourir un petit bout de chemin, tout en sâchant que Le Soir ne leur proposera jamais de massacrer une chanson de REM lors d'une Ukulélé Session. On a déjà eu l'occasion d'aborder les cas de Raymondo, Experimental Tropic Blues Band, Amen Ra, Sepia Hours ou K-Branding.

Aujourd'hui, nous allons nous intéresser à Frank Shinobi, jeune groupe qui vient de sortir comme un grand son premier EP sur le label liégeois Honest House. Les habitués du Bear Rock et du Rhâââ Lovely Festival connaissent déjà par coeur ce quatuor qui se revendique autant de 31Knots que de Redneck Manifesto. Et la comparaison n'est pas exagérée : on y retrouve cette même communion entre les instruments, sorte de symbiose mi-méliodieuse, mi-dissonnante, où la technique sert de tremplin avant de libérer la puissance qui sommeille au fond de chaque morceau.

Disque court (5 morceaux pour 16 minutes), Ibonishkanrf révèle un groupe qui ne demande qu'à pouvoir s'exprimer, ici ou ailleurs. Même si on reste bien loin des standards formatés pour les fréquences modulées, il serait mal venu de considérer la musique de Frank Shinobi comme une tambouille intello inaccessible aux oreilles profanes. Tant le chant en contre-jour que les guitares aériennes lui confèrent en effet une certaine musicalité pop qui devrait convaincre les plus exigeants.

Les liens intéressants :
Sur MySpace : www.myspace.com/frankshinobi
Pour commander le disque : http://www.honesthouse.be/index.php?honest-shopping

dimanche 16 mars 2008

La liste des courses

Que fait-on le dimanche après-midi quand il fait laid et gris ? On scrute le net et on cherche quelles seront les prochaines sorties intéressantes qui garniront bientôt mon armoire à CD. Premiers résultats de la recherche :

dEUS - Vantage Point

Sortie prévue le 21 avril

Il s'agira du 5e album studio des Belges de dEUS. Même si Tom Barman est le seul survivant de la formation initiale, ce disque sera sans doute l'événement musical de l'année en Belgique. La mini-tournée en salles (6 dates) affichait complet 15 minutes après la mise en vente des billets. Après deux albums plus pop (The Ideal Crash et Pocket Revolution), on peut s'attendre avec Vantage Point à un retour à un rock plus seventies, avec en ligne de mire les insaisissables Captain Beefheart.
Deux extraits du nouvel album sont à écouter ici.

Jamie Lidell - Jim

Sortie prévue le 28 avril.

Trois ans déjà après le génial Multiply, Jamie Lidell revient à la charge avec son funk teinté de petites touches électro. Peut-être l'album le plus chaud du printemps.

Un extrait du nouvel album à écouter ici.

APSE - Eras

Sortie en vinyle en avril. Sortie en CD prévue pour cet été.

Deuxième album pour ces américains qui réinventent sans cesse la post-rock, avec leurs choeurs glacés. Les premiers extraits du nouveau disque laissent deviner quelques influences latino. On croit rêver...

Deux extraits du nouvel album à écouter ici.

Tokyo Police Club - Elephant Shell

Le premier véritable album des Canadiens sera enfin disponible d'ici un gros mois. Reste à voir si l'attente en valait la peine, puisque le buzz de l'EP A Lesson In Crime remonte déjà à une bonne année.

Un extrait du nouvel album à écouter ici.

Red Snapper ?

Sortie prévue dans le courant de l'année.

Le nouvel album du trio electro-jazz britannique Red Snapper devrait sortir cette année, même si le groupe n'en dit pas plus pour le moment. Les premières notes qu'on a pu en entendre laissent présager un virage un peu plus rock, même si le point central reste la contrebasse.

Deux extraits de ce nouvel album à écouter ici.

ISIS - Holy Tears

Sortie prévue ce week-end

Il paraît que le nouveau disque d'Isis est sorti officiellement le 14 mars. Mais pas de quoi s'affoler, il ne s'agit que d'un single, agrémenté de remixes et d'enregistrements live. D'autres singles devraient sortir dans le courant de l'année. Plus d'infos sur le site officiel.

31Knots ?

Aux dernières nouvelles, un nouveau single est toujours prévu avant l'été sur le label français Kythibong, single qui ne serait disponible qu'en 45 tours. Pour le nouvel album, il faudra encore patienter un peu.

Amen Ra - Mass IV

Sortie prévue cet été.

Toujours plus puissant, le nouvel album d'Amen Ra devrait sortir avant l'été. Quelques nouveaux morceaux ont déjà été intégrés lors des récents concerts.

Un extrait du nouvel album à écouter ici.

David Bowie ?

Le futur album de Bowie, c'est l'arlésienne. Mais chaque année, il revient sur le tapis et Bowie lui-même promet un nouveau disque pour la fin de l'année, album qu'il décrit comme dérangeant. Moins d'infos sur le site officiel.

jeudi 13 mars 2008

iLiKETRAiNS – Elegies To Lessons Learnt

Tchou tchou

J’écris ce billet dans le train qui m’emmène de Nivelles à la Gare du Nord. Le même train, chaque matin, depuis bientôt deux ans. Le même train le soir, dans le sens inverse. Chaque jour, j’y croise ces mêmes visages anonymes, j’y surprends des bribes de conversations qui me permettent chaque semaine de suivre la vie de quelques passagers de la SNCB. Certains sont tellement fidèles à leurs horaires et tellement bavards que je pourrais sans problème rédiger leur biographie de ces dix-huit derniers mois.

Le matin, je partage le wagon avec un jeune couple qui s’impatiente de pouvoir enfin s’installer dans une maison dont la construction s’éternise. Il y a aussi ceux que j’ai appelés les Quatre Fantastiques, gros, luisants et mal rasés, la chemise à carreaux mal boutonnée, qui commentent l’actualité en lisant la DH : « Yves Leterme ? Se fout de notre gueule ! Anderlecht ? Se fout de notre gueule ! La météo ? Se fout de notre gueule ! » Il y a également la petite qui ressemble à une coiffeuse et qui lit des bouquins en Chinois, ou en Japonais… enfin… une langue qui se dessine. Ceux-là, je les connais par cœur depuis que j’ai changé de wagon parce que j’en avais marre des Desperate Housewives qui me rabâchaient les oreilles avec les difficultés scolaires de leurs chéris à prénoms composés.

Oui, j’aime les trains parce que je leur trouve quelque chose de poétique que n’ont ni les métros, ni les autobus et encore moins les voitures. En train, on s’égare dans ses pensées en regardant défiler le paysage brabançon. En quelques minutes, on passe des champs de Lillois-Witterzée aux lotissements Thomas & Piron de Braine-l’Alleud. Encore quelques lignes de David Lodge, une demi chanson d'iLiKETRAiNS et voilà déjà les moulins de Ruisbroek.

C’est une sensation que connaissent sans doute les Anglais d’iLiKETRAiNS, même s’ils n’ont jamais emprunté la dorsale wallonne. Eux aussi, à leur façon, ont dû un jour ou l’autre ressentir les mêmes frissons en dévalant sur la voie ferrée. Mais ce que m’inspire leur musique, c’est l’autre facette du chemin de fer, le revers de la médaille, la face sombre de la lune vicinale : les grèves sauvages, les attentes interminables sur un quai gelé, les retards chroniques, le contrôleur qui vacille et qui sent le Ricard, le voisin de siège qui écoute Gwen Stefani sur son téléphone portable, une chiotte bouchée en queue de wagon, l’annonceur qui vous apprend que votre train a changé de voie, l’odeur d’urine dans les aubettes, le tag Tous des fisse de puttes sur la porte, l’incident technique, la rupture de caténaire, le déraillement, l’erreur humaine, le chauffeur qui ne peut éviter la voiture bloquée entre les barrières du passage à niveau, la jeune mère de famille suicidaire qui a décidé d’en terminer, la gamine imprudente qui ramasse son ballon tombé sur la voie.

Stop.

Le train, c’est aussi ça. iLikeTrains nous le rappelle à chaque chanson de ce premier album sorti à la fin de l’année dernière. Un disque de pop amère, à l'ambiance presque gothique, où la voix grave pourrait rappeler The National ou Tindersticks, et qui sort l’artillerie lourde pour nous plonger dans une déprime noire. M. Prozac et Mme Xanax se frottent les mains.

A regarder : la terrifiante vidéo de We Go Hunting



Les liens intéressants:
Le site officiel: www.iliketrains.co.uk/
iLiKETRAiNS sera en concert le 19 avril au festival Polsslag.

lundi 10 mars 2008

Deux extraits du futur album de dEUS

En attendant la sortie du nouvel album, Vantage Point, prévue pour le 21 avril, et surtout le concert de l'AB du 5 mai (Yooooohooooo), dEUS propose deux extraits en écoute sur leur page MySpace : Slow et The Architect, fortement marqués - me semble-t-il - par la patte de Mauro Pawlowski. Encore un petit mois et demi de patience et on pourra enfin goûter à ce nouvel album.

Pour patienter, je ressors la vidéo de Theme from Turnpike, en espérant (mais faut pas rêver) que le nouveau dEUS parviendra ne serait-ce qu'à approcher le niveau de In A Bar Under The Sea. Pour la petite histoire, à l'époque, cette vidéo a été diffusée en salles sous forme de court-métrage juste avant les projections de Trainspotting.



Enfin, pour les fans acharnés, sâchez que de plus en plus de gens liquident leur stock de vieux singles de dEUS sur ebay et qu'il y a même un gars qui revend la première cassette démo du groupe (mais pour 130 euros, rien que ça).

Les liens intéressants :
Le site officiel : http://www.deus.be/
Sur MySpace : www.myspace.com/deusbe

dimanche 9 mars 2008

Nick Cave & The Bad Seeds – Dig Lazarus Dig

Ceux qui creusent

Nick Cave serait-il un des musiciens rock les mieux inspirés de ce début de siècle ? A l’écoute de ses récentes productions, cette affirmation s’impose comme une évidence. Depuis trois ans, on a droit au parcours sans faute : le double album Abattoir Blues/The Lyre of Orpheus fortement influencé par le blues et le gospel, les BO instrumentales intimistes des films The Proposition et The Assassination of Jessie James, le rock sale et graisseux de Grinderman. A cela, il convient d’ajouter un splendide triple CD B Sides & Rarities et, mieux encore, l’impressionnant coffret live de la tournée Abattoir Blues (2 CD et 2 DVD, excusez du peu).

Avec une production aussi prolifique, on aurait pu craindre le pire de Dig Lazarus Dig, cuvée 2008 du grand Australien gominé qui semblait arriver un peu trop tôt pour être totalement crédible. La cinquantaine, une discographie exigeante mais irréprochable derrière lui, Nick Cave n’a jamais eu autant à perdre. Un coup dans l’eau, un single trop sage, une production trop soignée et c’est toute une réputation qui s’effrite.

Or, c’est exactement l’inverse qui se passe à chaque fois que Nick Cave sort des studios. Il me semble que le seul véritable succès commercial remonte aux Murder Ballads, et au fameux duo avec Kylie Minogue, Where The Wild Roses Grow. Et encore, on pourrait en discuter tant cet album baigne dans son univers sombre et mystérieux.

Par je ne sais quelle magie, Nick Cave parvient toujours à publier des albums dotés d’une personnalité tellement forte qu’il devient de plus en plus difficile de trouver quoi que ce soit à leur reprocher. Dans cet exercice de slalom constant entre les pièges de la facilité, Dig Lazarus Dig pourrait s’avérer être tout simplement le meilleur album à ce jour de Nick Cave & The Bad Seeds. Dans un registre toujours très rock et abordant ses thèmes classiques (les croyances, les pulsions meurtrières, l’amour, le sexe), Nick Cave y démontre une fois de plus tout son talent d’auteur polyvalent. Le single Dig Lazarus Dig est un blues transpirant qui aurait pu figurer sur la BO de O Brother Where Are Thou ? des frères Coen. Night Of The Lotus Eaters tourne sur une boucle qui rappelle The Proposition et dévoile une conception très personnelle de l’ambient. Plus musclés, Albert Goes West et, surtout, le merveilleux We Call Upon The Author, sont là pour rappeler que l’artiste n’a rien perdu avec les années, au contraire. Album énervé, alors ? Ce serait manquer de respect pour le superbe Hold On To Yourself, peut-être la plus « classique » des chansons de ce disque, ou Jesus Of The Moon, autre intermède acoustique. C’est vrai que j’ai lu certaines chroniques que je ne citerai pas qui déploraient l’absence de ballade au piano sur ce disque. C’est vrai, mais il n’y a pas de non plus de bossa nova, de tango, de tcha-tcha-tcha, de fado, de gangsta rap ou de punk à chien. Il n’y a que du Nick Cave, de la première à la onzième chanson. Qu’il les joue au piano ou à la guitare, franchement Monsieur, on s’en balance. Ceux qui osent prétendre le contraire n’ont rien compris. Ou alors ils pensaient aimer Nick Cave et ils viennent de réaliser qu’ils s’étaient trompés. Et là je les plains.

Pour les 99,99% qui restent, c’est-à-dire les gens constitués de deux oreilles en parfait état, Dig Lazarus Dig sera accueilli comme un cadeau du ciel qui va nous faire aimer 2008, malgré le prix du café qui augmente et la qualité de l’air qui diminue.

Enfin, comment terminer sans évoquer la majestueuse moustache (d’agent de circulation ou de boucher Renmans, on hésite) qu’aborde Nick Cave depuis plus d’un et demi ? Ma théorie, c’est qu’il avait parié avec Lee Hazlewood que le premier qui claquerait lèguerait au survivant ce qu’il a de plus cher : les tifs de Nick ou la moustache de Lee.

Repose en paix, Lee...

A regarder : la vidéo de Dig Lazarus Dig



Une vidéo promotionnelle complètement décalée



Les liens intéressants :
Le site officiel : www.nickcaveandthebadseeds.com/
Sur MySpace : www.myspace.com/nickcaveandthebadseeds

jeudi 6 mars 2008

Coup de crayon : Carla Bruni, Kadhafi et Guy Môquet sont sur un bateau

J'ai beau ne pas apprécier l'homme, je suis quand même fasciné par la facilité avec laquelle Nicolas Sarkozy parvient à toujours occuper le terrain de l'actualité. Chaque semaine, il sort l'interview qui tue, la phrase qui dérange, la rencontre polémique, l'événement people qui fait rêver, la décision politique qui divise. A chaque fois, ça lui permet de faire l'ouverture des JT et la Une des journaux. S'il y a une chose qu'il maîtrise parfaitement, c'est l'application de ce vieil adage de journaliste, une quasi loi mathématique, qui veut que la nouvelle info chasse l'ancienne. Chaque semaine, il se creuse donc les méninges pour "faire l'actu" : la libération des infirmières bulgares, les contrats avec Kadhafi, son divorce, son remariage, "la croissance, j'irai la chercher", "Ingrid Bettancourt, j'irai la chercher", sa foi, la lettre de Guy Môquet, la mémoire d'un enfant juif, etc. Ingrid Bettancourt dit "cassez-vous, pauvres cons" aux enfants martyrs qui avait eux-mêmes dit "casse-toi, pauvre conne" à Carla Bruni, elle qui avait si vite dit "casse-toi, pauvre con" à Kadhafi. C'est un peu le principe de l'ardoise magique : pour faire un beau dessin, il faut d'abord effacer le précédent dont il ne restera plus aucune trace.

Les médias s'en nourrissent et y sont même devenus dépendants. La preuve, c'est que quand Nicolas Sarkozy reste sagement dans son bureau, les journalistes à court d'idées sortent le dossier spécial "Pourquoi Nicolas Sarkozy fascine tant les médias?" Une semaine de silence supplémentaire et ils nous balanceront le dossier "Pourquoi les journalistes rédigent des dossiers sur leurs relations avec le président ?" C'est une chaîne sans fin.

Depuis quelques semaines, toutefois, j'ai l'impression que le président de la rupture tranquille s'essouffle. Etre de tous les fronts, ce n'est pas de tout repos. Et finalement, le dessin de l'ardoise magique, si on l'a vu de trop près, on en conserve quand même l'image quelque part dans le fond de notre mémoire.

Alors, quand je lis ce matin que la Lybie a bloqué un texte du Conseil de Sécurité de l'ONU condamnant l'attentat meurtrier perpétré hier contre un institut talmudique à Jérusalem, me reviennent l'image de Kadhafi et celles des enfants martyrs.

Dis "casse-toi, pauvre con" au naturel, il revient au galop.

Dessin de Mabi : http://www.lesitedemabi.eu/

mercredi 5 mars 2008

Manu Larcenet - Le Combat Ordinaire, tome 4 : Planter des Clous


Les avantages de la convalescence

Chez nous, c'est une tradition : celui qui tombe malade a droit à une BD pour entamer sa convalescence. Et aujourd'hui, j'étais plus ou moins malade. Mon amour propre m'empêche de vous expliquer dans les détails le mal qui m'habite actuellement, mais disons que la BD, je l'ai bien méritée cette fois.

Alors forcément, quand madame est arrivée avec un paquet cadeau, j'étais déjà ravi. Mais quand de surcroît, j'ai découvert en déballant la chose le quatrième tome du Combat Ordinaire, j'ai presque sauté au plafond, ce que le doc m'interdit formellement. Depuis un petit bout de temps, je ne suivais plus vraiment l'actualité de Manu Larcenet, surtout depuis qu'il avait envoyé chier tout le monde et fermé du jour au lendemain blog et site officiel. (qu'il a réouverts depuis, je viens de m'en rendre compte)

Donc voici la nouvelle du jour (Ken Brockman va devoir adapter la conduite de son JT) : la suite du Combat Ordinaire est dans les rayons depuis ce mercredi 5 mars, à 13 heures. A 15 heures, à mon grand étonnement, je le tenais déjà dans mes mains. En voilà une surprise !

Alors replantons rapidement le décor : à l'instar du Retour à la Terre, le Combat Ordinaire est une fable moderne sur le temps qui passe et les angoisses qu'il peut générer dans nos esprits de grands enfants qui ont définitivement rejeté l'idée-même de devoir assumer les responsabilités qui nous incombent en tant qu'adultes non consentants. Mais là où le Retour à la Terre est truffé d'un humour frais et léger, le Combat Ordinaire se veut plus grave et mélancolique. Marco, le personnage central, photographe puéril et maladroit, ressemble furieusement au Manu du Retour à la Terre, mais affiche aussi cette pointe d'égoïsme qui le rend un peu moins attachant. Au fil des albums, on suit ses aventures comme on consulterait un album de photos sur la France du XXIe siècle. Il y dévoile ses séances chez le psy, la maladie d'Alzheimer qui frappe son père, les cicatrices que la guerre d'Algérie a laissées sur la génération de nos grands oncles, le malaise face à la montée des idées d'extrême-droite, mais aussi et surtout ce fameux syndrome de Peter Pan, notre anti-héros se montrant incapable d'endosser un costume d'adulte un peu trop large pour ses frêles épaules.

Ce quatrième volume montre un Marco toujours aussi ambigu (on est tiraillé entre l'envie de le consoler et celle de lui mettre des baffes) qui va cette fois réaliser un reportage sur un cataclysme social, le tout dans un contexte d'élection présidentielle. Le ton est toujours très sobre et l'auteur évite habilement de porter le moindre jugement sur ses personnages, à l'instar du photographe qui capte l'instant présent et laisse le soin au spectateur de se forger sa propre opinion. Seule petite ombre au tableau: un monologue de comptoir sur la politique qui m'a paru un peu long sur la fin. Mais à part ça, ça reste du bon Larcenent. Peut-être pas le meilleur de la série, mais un album qui s'inscrit dans la lignée des trois précédents.

Il ne reste plus qu'à attendre la sortie du cinquième tome du Retour à la Terre.

Les liens intéressants :

Le blog de Manu Larcenet : http://larcenet.blogspot.com/
L'autre blog de Manu Larcenet : http://www.manularcenet.com/blog/

Dub Trio - Another Sound is Dying


Baduboum

Si j'étais Ken Brockman, voici comment j'ouvrirais mon JT ce soir : "Des chercheurs américains ont découvert comment allier la puissance du harcore à la langueur et à la volupté du dub!"
Je vous épate, hein ? Normal, j'ai été journaliste dans une autre vie. Je n'ai aucun mérite.
Mais si on arrêtait de parler de moi pour se concentrer sur ce trio (sans blague ?) de Brooklyn. Signés sur le label Ipecac (Making People Sick Since 1999), les trois bricoleurs new-yorkais en sont déjà à leur troisième album. Sur ce Another Sound is Dying, on se prend d'abord un mur de guitares en pleine poire, histoire de mettre tout le monde d'accord avant de dérouler le tapis rouge pour les basses reggae, les caisses claires pleines de réverbe et tous ces gimmicks du dub underground. C'est assez déroutant (on passe sans transition de riffs féroces à des breaks planants qui sentent bon les herbes de Provence) mais ça vaut le détour. La plupart des morceaux sont instrumentaux, même si Mike Patton s'est forcément invité pour se dérouiller les cordes vocales sur No Flag.

Un album surprenant, taillé sur mesure pour celles et ceux que la cuisine fusion fascine, mais qui ont quand même l'estomac bien solide.

Dub Trio sera en tournée européenne du 1er avril au 5 mai, avec notamment un passage au Botanique le 23 avril et une chiée de dates en France (Printemps de Bourges, Grand Mix, etc.) et ailleurs (même en Suisse, puisque maintenant, je sais que nous avons des lecteurs suisses).

A regarder : Felicitacion (en live au Telerama Dub, à Paris) :



Les liens intéressants :

Le site officiel : http://www.dubtrio.com/
Dub Trio sur MySpace : www.myspace.com/dubtrio
Le site du label Ipecac : http://www.ipecac.com/

lundi 3 mars 2008

Le Premier OFF du Livre de Bruxelles


Entre les lignes


Aujourd'hui 3 mars. J-1 pour la Procession du Livre, qui entamera l'ouverture des hostilités entre la Foire du Livre de Bruxelles (plus de 1000 éditeurs, 70.000 visteurs attendus, 7€ l'entrée pour aller acheter le dernier Dan Brown à un beau stand plutôt que chez Carrefour) et le OFF, situé à 400 m de là (une centaine d'éditeurs, un maximum de visiteurs espéré, entrée gratuite, que de l'inconnu). A ce stade avancé du compte à rebours, un petit résumé partial des enjeux et événements qui ont mené à cette confrontation ne peut pas faire de tort.

L'enjeu fondamental est celui de la production indépendante face à la marchandisation de la culture, appliqué au cas du livre. Sans me lancer dans une longue diatribe enflammée, je rappellerai la manque criant de visibilité des éditeurs indépendants en Belgique. J'exagère à peine en disant que public ignore jusqu'à leur existence. La preuve, moi qui ait fait des études de Lettres (avec un grand L), j'étais incapable de citer le nom d'un seul éditeur belge indépendant jusqu'il ya 6 mois. C'est le grand paradoxe de la littérature indépendante: chacun s'accorde à la trouver indispensable, tout le monde trouve qu'on ne la soutient pas assez, mais dans la pratique, personne n'en a rien a foutre. On préfère acheter Harry Potter, la grosse édition à plus de 20 euros, parce qu'on n'a pas le temps d'attendre qu'il sorte en poche pour connaître la fin.

Au milieu de tout ça, la Foire du Livre, le rendez-vous annuel des "amoureux du livre" (je cite les affiches). Une grand-messe qui attire des dizaines de milliers de visiteurs, expose plus de 1000 éditeurs, bref un truc pharaonique avec des invités prestigieux des beaux débats et tout et tout. C'est ici qu'intervient un petit syllogisme qui va avoir son importance:

Si l'existence d'éditeurs indépendants est importante
Si la méconnaince du public belge à leur égards est problématique
ET
Que la Foire du Livre est le rendez-vous des amoureux du livre
Qu'elle est un événement populaire et médiatisé
ALORS
Sa popularité et les valeurs qu'elle affiche en font le lieu de promotion idéal pour ces éditeurs méconnus.

Evidemment si c'était le cas, je ne serais pas en train d'écrire cet article. Perso, on aura beau m'expliquer qu'on vit dans un monde où rien n'est si simple et qu'il existe plein d'enjeux qui me dépassent, la vérité c'est qu'une fois de plus, le pognon a parlé. Jusqu'ici rien de neuf.

Sauf que voilà, parmi la poignée de suicidaires qui font du livre indépendant leur métier, il y a un pourcentage assez élévé de types assez farfelus pour être idéalistes jusque dans les actes. Non contents d'avoir créé le Prix Gros Sel, pied de nez au Rossel, ils ont décidé, en 2007, que trop (ou plutôt: trop peu), c'est trop. Puisqu'on ne leur donnait pas la visibilité qu'ils méritent, ils décidèrent de la prendre en organisant un Die-in, mort symbolique des éditeurs indépendants dans les rangées de la Foire du Livre.

S'en est suivie une lettre ouverte aux différents acteurs du monde du livre, reprenant une liste de revendications pour sortir l'édition indépendante de l'impasse, ainsi qu'une négociation avec les organisateurs de la Foire concernant l'édition 2008.

Fin septembre, suite à l'échec de ces négociations, la rumeur qui courait depuis août est confirmée: une Foire OFF sera organisée en mars 2008 , aux mêmes dates que la Foire du Livre, désormais surnommée IN. C'est ici que la farce ubuesque rencontre la dispute de cour de récré et que tout part en sucette.

Commençons par le Prix Gros Sel. Le 05/12/2007: Dans une ambiance bon enfant, les auteurs récompensés se voient décerner les 500g de sel qui font le prestige de ce Prix , Laurent d'Ursel, Détaché de Presse du OFF, en annonce la naissance officielle, nous promet un bel auto dafé pour la Procession du Livre, et, dans la foulée, Fadila Laanan annonce qu'elle octroie des subsides au OFF. Pendnat ce temps-là, côté IN Jean-Claude Van Troyen affirme sans perdre son sérieux que si le Rossel ne récompense que de gros éditeurs, c'est parce que les éditeurs indépendants c'est de la merde. La vidéo et la lettre ouverte qui a suivi, ici.

Malgré tout, le OFF s'organise, définit ses valeurs, se trouve des partenaires. Et le IN continue de grincer des dents, et fait de son mieux pour saboter le OFF. Dernier épisode en date: le 27/02/2008. Patrick Lowie est convoqué auprès de la police pour s'expliquer quant au contenu des livres qui seront présentés au OFF et la couleur politique de leurs éditeurs. Dans la foulée, alors que les autorisations pour la Procession du Livre ont déjà été reçues, celle-ci est compromise par le refus du IN de la voir passer devant ses portes:

La procession du livre est autorisée.
Son parcours a été modifié pour qu'il ne passe plus devant les portes du In.
L'hôtel de ville a expliqué que la police aurait d'abord cru à une manifestation organisée par le In, avant de réaliser sa méprise.
Nous ignorons quelles manoeuvres et quels courriers sont parvenus à qui, émanant du In à destination des décideurs politiques ou policiers.
Qu'on vérifie nos appartenances à des mouvements terroristes ou révisionnistes peut relever de la simple responsabilité, de la part de nos forces de maintien de l'ordre.
Qu'une enquête ait eu lieu après que nous soient parvenues les autorisations officielles, voilà qui laisse un peu rêveur. (Commentaire d'un des organisateurs sur le blog du OFF).

Après ça quand je lis sur la page d'accueil du IN que:

Plus que jamais, la Foire porte haut ses valeurs morales: le dialogue, la liberté d'expression, l'égalité dans un monde pluriel.

Je suis même plus sûr que ça me fasse rire

Quoi qu'il en soit, la Procession et le OFF auront bien lieu, et j'espère bien vous y voir.

Au programme:

la Procession du Livre: départ Place de la Monnaie le 4 mars à 17h00. Le cortège se rendra jusqu'au coeur du OFF. Chacun est invité à lire à haute voix le livre de son choix (même Harry Potter)

Le OFF: du 5 au 9 mars (comme le IN).
Son coeur se situera au 60, rue de l'Escaut à 1080 Bruxelles. Il abritera la librairie, le SnackOFF (débats type Poire et Caouhètes, mais le midi), un tournoi de Slam-Jam, des concerts et j'en passe.
L'un des poumons sera situé au "Chant des Rues", au 12 Rue Locquenghien à 1000 Bruxelles. Ateliers d'écriture au menu et L'autre nuit de la poésie en cloture du OFF.

Tous les détails sont sur le site mais notez que chacun a possibilté de squatter le crachoir pendant 6 minutes sur une tribune. Nature de la performance au choix (je dis ça pour les fans d'assonvacation) mais attention, faut s'inscrire.

Le site du OFF: www.le-off.be
y'a aussi un blog: http://blog.le-off.be

A voir:

le dernière performance de presse de Laurent d'Ursel:

samedi 1 mars 2008

Ne l’appelez plus jamais Frank


Black Francis – Botanique – 26 février

Il y a quelques semaines, à l’occasion de la sortie du dernier album de Cat Power, j’évoquais l’équilibre parfois difficile entre respect éternel pour une idole ou un héros et déception du moment lorsque celui-ci se prend les pieds dans la moquette. Ce sentiment douloureux m’a de nouveau frappé ce mardi, au concert de Black Francis.

Charles Thompson, c’est 20 ans de carrière et au moins 130 kg de schizophrénie. Leader des défunts Pixies, auteur d’une poignée d’albums sous le pseudo de Frank Black, puis d’une demi-douzaine d’autres disques sous l’étiquette de Frank Black and The Catholics, il était revenu à la charge l’an dernier avec un premier album signé Black Francis, le sobriquet qu’il utilisait à l’époque des petites fées. Pour brouiller un peu plus les pistes, Charles Thompson Frank Black Francis Pixies n’hésitait pas à révéler que plusieurs morceaux de ce nouvel opus étaient issus de ce qui aurait pu être (mais ne sera jamais) le nouvel album des Pixies. Vous me suivez ? Une écoute attentive de BlueFinger laissait effectivement de ci de là un arrière goût de ce qu’aurait pu être le successeur de Trompe Le Monde.

Restait à tester l’expérience Black Francis sur scène. Et c’est peut-être ici que nous avons atteint les limites de l’exercice. Que Black oublie les Pixies lors de cette tournée était prévisible. La tournée de reformation des quatre de Boston a rapporté beaucoup de blé, mais a rapidement réveillé les vieux démons. Tout au plus aurait-on pu espérer une réinterprétation d’une face B ou une version acoustique inattendue. Mais rien de tout cela : Black Francis reste intransigeant. Vous avez eu suffisamment d’occasions de voir ou revoir les Pixies sur scène au cours de leurs longues tournées estivales. Les absents ont toujours tort.

Mais de là à ce qu’il ignore totalement le répertoire qu’il s’est constitué en quinze ans de carrière solo (et pratiquement autant d’albums), il y avait de quoi surprendre l’auditoire. Or, Black Francis s’en tient à une ligne dure. Sous ce nom, il n’a sorti à ce jour qu’un seul album et c’est dans ce disque uniquement qu’il puise les morceaux qu’il interprète sur scène aujourd’hui. En trio guitare-basse-batterie, il sert donc l’ensemble des morceaux de BlueFinger, album qu’il conçoit lui-même comme un opéra rock en hommage au musicien néerlandais Herman Brood. En un peu plus d’une heure, son set est bouclé. Avant d’entamer le dernier morceau, il se permet même de narguer l’audience : « J’espère que ça vous a plu. Moi-même, je ne suis pas certain de pouvoir supporter une heure d’opéra. » Rires jaunes, dernières notes d’un concert qui penche parfois du côté d’un punk rock crade et explosif, parfois du côté de la ballade rock FM à la grenadine, et le tout est emballé. Pas de rappel, merci, au revoir.

Comme il faut bien justifier les 16 euros du billet d’entrée, on se dit qu’il y avait quand même des moments qui rappelaient la grande époque. « Ce refrain sonnait un peu Surfer Rosa, non ? » Mais sur la durée, on aurait trouvé ça très chiant si le bonhomme n’avait pas le CV qu’on connaît.

Alors on pourra toujours se plaindre, crier au scandale, réclamer le remboursement du billet. Et la caissière vous répondra avec un sourire ennuyé : « Vous avez acheté une place pour voir Black Francis et Black Francis a joué toutes ses chansons. Que voulez-vous de plus ? »

Pour compléter le tableau et ajouter une autre pièce à ce tableau de confusion et de frustration, il convient de préciser que sur cette tournée européenne, Black Francis s’est amusé à improviser des petits concerts en plein après-midi dans la plupart des villes qu’il a visitées. Des chanceux l’ont ainsi croisé dans un square fréquenté ou chez un disquaire réputé, seul avec sa guitare acoustique, en train de chanter des chansons… des Pixies.

Ne me serais-je pas fait enc… , moi, dans cette histoire ?

A regarder : la vidéo de Frank Black interprétant les Pixies dans un parc de Dublin, il y a trois semaines...