dimanche 21 février 2010

She's chosen darkness

Il y a quelques mois, j’expliquais comment, confronté à la mort soudaine de mon grand-père, je m’étais retrouvé totalement désemparé au moment de choisir le cd qui m’accompagnerait dans la voiture, sur la route du funérarium.

Comme souvent dans ces cas-là, ma grand-mère n’a pas tardé à lui emboîter le pas. Difficile en effet de trouver un sens au veuvage après 65 ans de mariage.

Vendredi après-midi, celle qui laisse derrière elle une encyclopédie de souvenirs et d’anecdotes usées à force d’être resservies à chaque fête de famille s’en est allée dans un ultime soupir, long et froid. Cette fois-ci, point de réelle surprise : la grande dame était alitée depuis une semaine, rongée de partout par cette saloperie de crabe qui nous emportera tous, à la dérive quelque part entre la mort et un état qui n’était déjà plus tout à fait la vie.

C’était donc le dernier voyage d’une grand-mère assez rock’n’roll en réalité. Même si elle n’a sans doute jamais écouté le moindre accord de guitare. Une grand-mère avec un cœur énorme mais affaibli, un caractère en acier trempé, un sens inné pour raconter des histoires interminables. Une grand-mère qui, il y a quelques années seulement, me prenait à contre-pied en relatant ces deux épisodes incroyables qui l’avaient à chaque fois amenée derrière les barreaux… même si ce n’était que quelques heures en garde à vue.

Eh ouais les mecs, ma mémère, elle a fait de la taule. Qui n’a jamais rêvé d’avoir une grand-mère aussi cool ? Si j’avais su ça quand j’avais 10 ans, j’aurais été le roi de la cour de récré.

Ce vendredi, quand le téléphone a sonné vers 16 heures, quand mon cousin était à l’autre bout du fil pour m’annoncer « C’est fini, elle n’a pas souffert », mon pc était en train de passer une chanson du groupe I Love You But I’ve Chosen Darkness : The Ghost. Je ne suis pas très pratiquant des superstitions et autres sciences des coïncidences, mais j’aime bien l’idée qu’il pourrait y avoir là-derrière un dernier clin d’œil. Elle m’aimait mais a préféré les ténèbres. Comme je la comprends. A sa place, j’aurais fait pareil.

A trente ans, me voilà donc sans grands-parents. Mais la tête pleine de souvenirs en technicolor, le ventre plein de fierté et les yeux éblouis par des modèles du genre. Quand je serai grand-père à mon tour, j’aurai de qui m’inspirer.



Les liens : 
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dimanche 14 février 2010

Depuis que je n'aime plus le gris

Je n’aurais jamais cru devoir en arriver là. Mais c’est un fait, la réalité m’est violemment apparue ce matin : je n’aime plus le gris. Pourtant, jusque là, le gris était ma couleur préférée. Au même titre que le vert, le bleu et le noir. En mélangeant ces quatre couleurs, on obtenait ma couleur préférée.

Plus maintenant.

Plus depuis cette espèce de chape grise qui nous écrase depuis deux mois. Le ciel est gris, le sol est gris, la neige est grise. J’en ai marre de tout ce gris. Ce voile épais m’exaspère. Ce brouillard à moitié opaque m’assomme de jour en jour. Je lève la tête et une sorte de fumée de cigarette lourde et grasse s’abat sur moi, m’écrase la tête et les épaules.

Le gris, je l’aimais bien parce qu’il contrastait avec les autres couleurs. Au milieu d’un monde dominé par le rouge, le vert, le jaune et le bleu, le gris permettait de marquer une rupture, d’affirmer son originalité, de réfuter un discours chromocentrique majoritaire. Mais à quoi bon sortir ses gants gris, son écharpe grise, son manteau gris si, dehors, tout est déjà gris ? Ce ton sur ton de gris est insupportable. C’est comme se faire avaler tout cru par un monstrueux pachyderme bouffeur de planètes. Même les carrés d’asphalte qui apparaissent ça et là entre deux plaques de neige ont un plus bel éclat que cet air ambiant, triste et pesant. L’élément le plus coloré du décor aujourd’hui, c’était un chat écrasé sur le bord de la route.

Le gris, avant, c’était comme une paire de lunettes de soleil, un moyen de se protéger contre les agressions de l’extérieur. Et voilà que le gris devient à son tour agresseur. En plus, le gris, si on en abuse, ça déteint, c’est contagieux. Les mines deviennent grises, les pupilles, les joues, les cheveux, les dents. C’est l’impérialisme du gris. Une pandémie bien plus dangereuse que la grippe mexicaine. Pire que le retour de la lèpre. Qui peut encore prétendre ne pas avoir été contaminé ?

Je n’aurais jamais cru devoir en arriver là, mais la vérité a fait son chemin : j’ai besoin de soleil. Ça me crève de l’avouer, mais la lumière me manque. Le noir et blanc, je n’en peux plus : j’ai envie de couleurs chatoyantes. Il me faut un bout de ciel bleu de toute urgence. Et plus vite que ça, bordel ! Des rouges vifs, des jaunes aveuglants, des verts éclatants et des bleus pétillants. La température, je m’en tape. J’exige juste de la clarté à la place de la brume délavée. Le premier rayon de soleil sera le meilleur, nous débarquerons en masse sur les terrasses et tant pis si nous devrons garder nos moufles pour déguster un Ricard ou une sangria. Mais on le fera, les gars. On célèbrera le retour du printemps comme jamais. On brûlera nos pelles à neige, on recommencera à mettre plus de sel dans nos pâtes que sur nos trottoirs gelés.

On fêtera Ra, le dieu soleil. Quand il daignera revenir.
L’euphorie durera quelques temps. Le temps de s’habituer à ce nouvel environnement coloré.

Ensuite, je le sais, je recommencerai à apprécier le gris, parce qu’on ne se débarrasse pas aussi facilement d’un caractère aussi profondément ancré. Mais là, aujourd’hui, en cet instant précis, le gris, je n’en veux plus. Casse-toi, le gris.

mardi 9 février 2010

Shrinebuilder : s/t


Shrinebuilder, c’est ce qu’on appelle un super groupe. Une sorte de dream team du metal. Le Real de Madrid du doom. C’est un peu comme une brigade canine qui rassemblerait Milou, Idefix et Rantanplan. Shrinebuilder est au gros rock ce que 1 2 3 Soleil est au raï. La Ligue des Justiciers en version tatouages et guitares qui tachent.

Annoncée en fanfare depuis bientôt un an, la super formation se compose de Scott Kelly (Neurosis), Al Cisneros (Om, Sleep), Dale Crover (Melvins, Nirvana) et Scott "Wino" Weinrich (Saint Vitus, The Hidden Hand). Que du lourd, que du lourd.

Il y a deux façons d’écouter ce premier super album.

Primo, faire le malin parce qu’on a un (aussi) un beau diplôme universitaire qui ne sert à rien sur lequel apparaît le mot « sociologie ». Et se souvenir que, par définition, le propre d’un groupe, c’est de dépasser la somme de ses composantes. Dans ce cas, Shrinebuilder sent le pétard mouillé à plein nez. Ce n’est pas forcément donné de faire taire des personnalités comme celles de ces quatre gaillards. Du coup, en fonction des morceaux, Shrinebuilder sonne tantôt comme du Neurosis, tantôt comme du Om, tantôt comme du Saint Vitus, tantôt comme du Melvins. Mais rarement comme une entité supérieure, censée représenter Shrinebuilder. De ce point du vue, l’alchimie ne prend pas vraiment.

[Heureusement, il existe une autre façon d’écouter ce disque. Une façon qui commence par le mot Secundo. Attention, c’est parti…]

… Secundo, tu peux simplement mettre un cd dans ton autoradio et te dire que tu vas écouter un putain d’album de rock. Un truc dense, compact, qui balance la sauce à chaque coup de mediator sur les six cordes d’une guitare un peu trop saturée. Un album qui, du début à la fin, lorgne du côté de Black Sabbath parce que, finalement, c’est la bande à Tony Iommi qui a tout inventé il y a plus de 30 ans déjà. Tu peux simplement te mettre derrière le volant et ramasser une baffe à te décrocher la mâchoire. Et te dire que tu passes un super moment.

Ouais, les super groupes, c’est ça aussi.

J’ai hâte de vérifier ce que ça donne sur scène. Le 19 avril à Courtrai.

Les liens