mardi 28 septembre 2010

The High Confessions – Turning Lead into Gold with the High Confessions


The High Confessions, c’est un super groupe. Encore un super groupe. Cette fois-ci, on retrouve au générique des noms comme Chris Connelly (Ministry, Killing Joke), Steve Shelley (Sonic Youth), Sanford Parker (Buried At Sea, Minsk) et Jeremy Lemos (que je ne ferai pas semblant de connaître, je n’ai pas la moindre idée de qui est ce type).

En vrai super groupe, The High Confessions a confectionné un premier super album. Le disque se compose de 5 morceaux, d’une durée qui varie entre 4 et 17 minutes, histoire de montrer qu’en tant que super groupe, on ne fait pas les choses à moitié.

L’album s’ouvre sur Mistaken For Cops, qui frappe directement au menton malgré une structure étrangement linéaire. Le ton est donné, ça sonne comme une version punk du Velvet Underground. Chris Connelly y déclame ses rimes tel un Lou Reed qui aurait découvert la touche Fast Forward. Sanford Parker séquestre sa guitare et lui inflige le supplice chinois à force de lui mattraquer les quatre mêmes notes, encore, encore et encore.

Après cette mise en bouche presque joyeuse, c’est la plongée au sous-sol avec Along Came The Dogs, morceau même pas épique qui dépasse allègrement le quart d’heure. Cette fois, Connelly s’y exprime tel un condamné à mort rampant dans la boue vers le poteau d’exécution, poussé dans le dos par le canon de son bourreau. Les voix se mêlent et s’entrechoquent, répètent et répépètent ce qui ressemble furieusement à une dernière volonté. Et ce ne sera pas un chocotoff. Musicalement, la partition joue la carte bruitiste, croisant Neubauten avec une relecture pleine de larsens de l’intro du Station To Station de Bowie. Ça sent la gare, les aiguillages qui grincent, les portes rouillées qui ne ferment plus très bien, le chien mouillé, la pisse sèche. Une chanson composée à la disqueuse pour des pécheurs qui ne cherchent pas à se repentir. Hautes confessions peut-être, mais ici on revendique ses actes. Alors pour la rédemption, on repassera.

Sur The Listener, c’est l’apaisement après le déluge. Du moins, en surface. Chris Connelly s’agenouille et va chercher au fond de ses tripes une voix plus posée, en ligne avec un tempo plus respectueux de nos muqueuses. Steve Shelley effleure ses peaux, les caresse avec doigté et contribue ainsi à créer cette ambiance de jazz sibérien. Du givre apparaît sur l’écran de mon lecteur mp3 et quand je veux me moucher, je m’arrache des stalagtites au bout du nez. 11 minutes quand même, autant se couvrir d’une petite laine et des bottes fourrées en peau de phoque synthétique. Parce que tuer les phoques, ce n’est pas chrétien.

Avant-dernière étape de ce bad trip annoncé, Dead Tenements tue dans l’oeuf le dernier espoir d’être encore traversé par une onde positive aujourd’hui. Et tant pis pour le grand pardon. Parker a définitivement achevé sa guitare dans un désert noisy et c’est Shelley qui reprend les reines de cette longue agonie qui dépasse de nouveau les 11 minutes bien tassées. Connelly s’époumone sur ce titre, en dialogue avec une batterie qui résonne de loin, de si loin qu’on peine à l’imaginer sur la terre ferme. Shelley y atteint des sommets du genre, faisant surgir ses fûts derrière une couche de crasse opaque, noire, poisseuse.  Le batteur de Sonic Youth rappelle au passage que son style est reconnaissable entre tous et qu’il serait bien imprudent de s’arrêter à sa gueule d’ange sorti d’un épisode de Huit ça suffit.

Ultime fait d’arme de cette pièce en cinq actes, Chlorine and Crystal ferait pratiquement figure de happy end si l’asphyxie des quatre plages précédentes n’avait laissé autant de victimes consentantes sur le carreau. Pour la forme, Shelley en revient à un jeu plus métronomique. Parker ressuscite quelques accords et ramène ainsi à la vie ses 6 cordes oxydées jusqu’à l’os.  Quant à Connelly, il enfonce le clou une dernière fois sur ce titre épileptique : I would like to crash/If crash is an option. Rien que ça. Ballade cold-wave funéraire, phrasé pastoral, cette chanson se termine sur une descente d’organes en roue libre. Comme si l’expérience en studio avait complètement annihilé toute forme d’humanité chez ces quatre musiciens. Pour les deux dernières minutes de l’album, les instruments reprennent les commandes, s’éteignent lentement et laissent la place à un silence assourdissant.

Tu l’auras compris, l’écoute de cet album m’a laissé quelques profonds stigmates. Je serais bien allé confesser mes péchés. Mais je préfère appuyer de nouveau sur Play et m’enfoncer dans le vice. On se retrouvera en enfer, baby.

A écouter : Mistaken For Cops








      

28 septembre 2010, ça se passe à Bruxelles

samedi 25 septembre 2010

Cathedral - The Guessing Game


Ma vie, mon talent, ma popularité grimpante, tout cela n’est pas toujours facile à gérer. Certes, on me reconnaît dans la rue, les chauffeurs de taxi ont plus souvent l’œil rivé sur le rétroviseur que sur la route et je collectionne les couvertures de magazines de mode à mon effigie. Je suis beau et riche, je suis né comme ça, ne m’en voulez pas. Et pourtant, pourtant, certains païens semblent encore tout ignorer de ma brillante personne. Je me retrouve donc à devoir souvent répéter inlassablement la même rengaine au moment de faire connaissance avec un indigène. Qui je suis, comment je suis arrivé aussi rapidement au sommet, oui c’est ma couleur naturelle, non je ne me suis pas fait refaire le nez, etc. Le blabla habituel quand on passe la moitié de sa vie en classe business entre Londres et Los Angeles.  

Pour éviter de parler de la pluie et du beau temps avec le premier quidam ébloui par mon aura, la question des hobbies arrive forcément sur la table, question que je redoute comme une variante sexuellement transmissible de la peste bubonique. Evidemment, la réponse qui me sort de la bouche est toujours la même : la musique. Et en prononçant ce mot, déjà, je sais que les emmerdes vont commencer. Parce qu’il va falloir expliquer quel genre de musique, le dernier album que j’ai acheté, les salles de concert que je fréquente. C’est toujours la galère. Surtout quand mon interlocuteur est persuadé d’être lui-même un grand amateur de rock. 

Morceaux choisis, au bar du Georges V :

- Ah oui, mais moi aussi, je vais à plein de concerts rock. Le dernier, c’était Indochine à Bercy. C’était super. Et toi ?
- Non, moi je n’y étais pas.
- Dommage !!! Mais c’était quoi, ton dernier concert ?
- Ecoute… heu… je ne sais plus très bien… heu… laisse-moi réfléchir.
- Calogero à Forest ? Muse au Sportpaleis ? Placebo au Cirque Royal ?
- Non, pas vraiment.
- C’est con. J’adoooooooooore Brian Molko. Mais allez, dis-moi…
- Je crois que c’était Neurosis.
- Oasis ? A Werchter ? Cool, j’y étais aussi.
- Non, c’était Neurosis. A Amsterdam.
- Ah… connais pas. Et… heu… c’est quel genre ?
- Disons que c’est un peu spécial et que ça n’a pas grand-chose à voir avec Oasis.
- C’est du R’n’B ?
- Non, pas vraiment. C’est un peu plus lourd. Et lent. Voilà, c’est ça : du rock lourd et lent.
- Ah ok, je vois. Donc tu écoutes plutôt du…

(A cet instant, je plisse déjà les yeux parce que je sais à l’avance quel est le mot qui va sortir. Comment résumer 30 années d’influences musicales, de Miles Davis à 31knots, de David Bowie à Black Sabbath, de Wire à Mark Lanegan, de Bashung à Suzanne Vega, des Melvins à Nick Cave, d’Iggy Pop à Curtis Mayfield, des Beastie Boys à Michel Magne, de REM à Sonic Youth, des Jesus Lizard à Amon Tobin ? Mais voilà, je le sais, ce mot hideux va sortir. Je l’entends déjà poindre…)

- Donc, tu écoutes plutôt du… hard rock !

Misérable, je suis obligé d’hocher la tête, sachant pertinemment bien que m’obstiner à contredire mon admirateur du jour n’est que pure perte de temps. Rendons-nous à l’évidence : au 21e siècle, la nuance n’existe toujours pas en ce bas monde.

Donc il paraît que j’écoute du hard rock. Bordel de Dieu. Pour moi, le hard rock canalise justement tout ce que je déteste : des franges bouclées taillées à la règle juste au-dessus des sourcils, des pantalons en cuir avec des lacets de gladiateur sur le côté, des solos de guitare interminables exécutés entre les cuissardes écartées, des batteurs perdus derrière une bonne vingtaine de fûts, des refrains pour stades, des guitares Jackson fluorescentes aux lignes escarpées, de chorégraphies dignes de Véronique et Davina, etc.. Les groupes que j’associe au hard rock, ce sont des bandes de tignasses innommables comme Def Leppard, Aerosmith, Megadeth et même Bon Jovi

Pour moi, le hard rock, c’est quelque chose qui ressemble à ça : 



Mais voilà, pour l’ignare de service, j’écoute du hard rock. Je n’arriverai jamais à me débarrasser de cette encombrante étiquette. Etiquette qui va s’avérer encore plus coriace après t’avoir parlé du dernier album de Cathedral, qui après 20 ans de carrière, vient de faire son entrée fracassante dans mon univers musical. The Guessing Game, double album massif et sinueux, qui s’en prend à tous les clichés du genre, m’a presque donné l’envie de me laisser repousser les tifs.

Cathedral y livre sa lecture très personnelle de 20 années de rock, traversant sans gilet de sauvetage les courants doom, stoner, rock prog, heavy metal et même acid folk. Une approche de la musique qui ne craint pas le kitsch, ni les gros refrains FM qui tachent, la guitare faisant office de locomotive tirant derrière elle une flopée de wagons pas toujours très bien assortis. The Guessing Game réussit ainsi une audacieuse synthèse de tout ce qui a été produit pour animer les bars à motards, les rassemblements de lécheurs de timbres et les grands messes à la gloire du Mal. 

Mais je suppose que c’est plus facile de dire que Cathedral vient de nous livrer un grand album de hard rock. Bande d’incultes.

A écouter : le teaser officiel




A écouter : Ghost Galleon (le meilleur morceau de l’album, de loin)



Les liens :




mardi 21 septembre 2010

Leçon de cinéma avec Steve McQueen


Le cinéma, ce n’est quand même pas compliqué. Il suffit de réunir les bons ingrédients et de laisser la sauce prendre d’elle-même. Pour réussir une scène culte, il faut prendre un grand saladier et y mélanger:     


  • un acteur avec une gueule de serial lover et si possible un pull à col roulé (pour la métaphore phallique);
  • un coupé sport sous le capot duquel les chevaux ronronnent (s’ils hénissent, c’est foutu);
  • une musique qui ajoute l’envie de se dandiner en plein climax (s’il faut poursuivre des truands, autant le faire en swingant derrière le volant);
  • un méchant luisant qui a la bouche à l’envers et qui porte les mêmes lunettes que celles de Moby (et qui ressemble très fort au méchant Américain dans Les Barbouzes);
  • un assistant du méchant avec un défaut physique majeur pour ne pas oublier dans quel camp il joue (une calvitie, un oeil de verre, une jambe de bois) et, surtout, des gants en cuir noir (là, je suis plus perplexe sur l'efficacité de l'accessoire parce que, ok, c’est classe, mais si les assistants des méchants enlevaient leurs gants au moment de flinguer le gentil héros, ils viseraient peut-être un peu plus juste);
  • la scène doit se terminer par quelques échanges de tir, une explosion et un crissement de pneus.

Et voilà le travail. Même pas besoin de dialogue. 


lundi 20 septembre 2010

Chrome Hoof - Crush Depth

Quand approcheront les fêtes de fin d’année, quand chaque rédaction y ira de son traditionnel top des meilleurs albums des 12 mois écoulés, entre deux pelletées de neige pour dégager l’entrée du garage, on jugera la qualité du canard musical à la place qu’y occupera le dernier album de Chrome Hoof. Car rien ne sert d’y aller par quatre chemins : ce Crush Depth est tout bonnement exceptionnel.

La première écoute s’avère pourtant un poil déstabilisante et laisse l’impression d’un album foutraque, sur lequel s’entassent influences rock, metal, disco, funk et electro. Mais une fois passé le cap de ce beau bordel, on découvre un univers dense, riche… et incroyablement barré. Chez Chrome Hoof, l’indéniable maîtrise technique sert avant tout de prétexte aux explorations des plus téméraires en terres inconnues. Et les associations d’idées pour le moins farfelues me traversent alors l’esprit : Grace Jones accompagnant Tool, les Village People qui signeraient la musique d’un Star Trek réalisé par David Lynch, Mötorhead reprenant les Bee Gees, Jaga Jazzist qui remixe Amanda Lear. J’en passe et des meilleures…

La musique de Chrome Hoof, c’est un peu tout ça à la fois et bien plus encore. Comme me le soufflait encore l’autre jour Jean-Luc Delarue : On dirait des reprises de King Crimson qui datent de 2025. Que dire alors des prestations scéniques de cette dizaine d’Anglais encapuchonnés dans leurs bures à paillettes ? Un vrai régal, tant pour les yeux que les oreilles. Je le dis et je le répète : ces gars-là ont tout pour me plaire. Et cet album mérite cent fois plutôt qu’une le titre de la galette la plus bouillante d'un été qui s'achève dans quelques heures.

Chaudement recommandé.

A regarder : une vidéo de lancement de l'album



A regarder : Vapourise - Vocal Mix (seule la version instrumentale est reprise sur l'album)


A regarder : Chrome Hoof live à Londres l'année dernière.


Les liens :
Sur MySpace
Commander l'album sur Southern Records