Si tu ne le sais pas encore, ce sera un scoop : dans mon autre vie, je travaille à la « com » dans une banque. Dans mon autre vie précédente, j’exerçais déjà le même métier, mais dans une autre banque. Je ne vais pas cracher dans la soupe : ce n’est pas aussi traumatisant qu’on pourrait le croire à première vue. Mais c’est vrai que de temps en temps, on arrive à écrire des inepties dans un langage tellement vague et obscur qu’on se demande ce qu’on pourrait encore envier aux plus grands propagandistes de l’Histoire.
Quand il s’agit d’écrire un communiqué de presse annonçant des nouvelles peu réjouissantes, notre maître à tous, c’est Muhammed Saeed al-Sahaf, l’ancien ministre irakien de l’information. Souviens-toi : alors qu’en arrière-plan, on voyait les GI’s déjà occupés à décrocher les portraits de Saddam, ce pro de la com ne perdait rien de sa superbe en affirmant mordicus que les Irakiens tenaient toujours l’occupant US à au moins 50 bornes de Bagdad. Les banques, c’est pareil : même quand elles doivent annoncer qu’elles vont devoir revendre la moquette pour ne pas mettre la clé sous le paillasson, elles le font avec le sourire et arrivent, non seulement à vous faire croire que c’est une bonne nouvelle, mais aussi à carrément vous faire sortir la petite monnaie pour racheter la carpette miteuse.
Passé maître dans le décryptage de la langue de bois, je ne résiste pas à la tentation de sous-titrer une des dernières com de BNP Paribas Fortis, sur le fameux thème des synergies. Un cas d’école.
Si le sujet te gonfle, passe ton chemin et va écouter de la bonne musique.
Avant d'aller plus loin, méditons sur cette phrase de Jean-Laurent Bonnafé, le nouveau CEO de BNP Paribas-Fortis : "Réfléchir, c'est déjà commencer à désobéir." Il y a des gens qui laissent rêveur...
En noir, l’original.
En rouge : les sous-titres.
BNP Paribas va réduire ses coûts de 850 millions
BNP Paribas : 850 millions seront distribués aux actionnaires
« La réduction des effectifs viendra pour l’essentiel de départs naturels ou volontaires », précise la banque française, sans chiffrer cette réduction. Quatre centres de compétences seront créés en Belgique, y permettant de limiter les suppressions de postes.
On va continuer à rester flou sur notre politique de ressources humaines. En laissant du personnel motivé et compétent sur une voie de garage, nous pensons en pousser un certain nombre vers la démission, ce qui nous évitera de devoir leur payer des indemnités de départ ou de devoir négocier un plan de licenciement avec les organisations de représentation du personnel, comme l’exige la loi belge.
L’intégration à la banque française BNP Paribas de la belge Fortis devrait permettre au groupe de dégager 900 millions d’euros de synergies annuelles à partir de 2012, 80 % de plus que l’estimation de 500 millions publiée en mai, a annoncé BNP Paribas dans un communiqué mardi.
En rachetant Fortis avec la bénédiction du gouvernement belge, la banque BNP Paribas avait annoncé 500 millions de réductions de coûts. Elle a menti, puisque les économies s’élèveront finalement à 900 millions d’euros. Mais avec un plan pareil, elle n’aurait sans doute pas bénéficié de l’aval des petits Belges.
L’essentiel des synergies proviendra d’une réduction des coûts de 850 millions, grâce à des économies d’échelle et à une rationalisation de l’activité « portant sur l’organisation, les systèmes d’information, les locaux, les achats et les ressources humaines ».
L’essentiel des économies porte sur les bouts de ficelles suivants : des systèmes informatiques moins performants, plus personne pour aider le personnel quand un PC plante, le regroupement dans des bureaux plus exigus et la mise au placard de centaines d’employés en attendant qu’ils démissionnent, fassent une dépression ou commettent une faute grave. Ça n’a l’air de rien, mais en trois ans, ça permettra de retirer 850 millions d’euros du circuit et de les distribuer aux actionnaires.
« La réduction des effectifs viendra pour l’essentiel de départs naturels ou volontaires », précise la banque, sans chiffrer cette réduction.
La banque va pousser le personnel jusqu’à l’épuisement, en espérant en dégoûter le plus grand nombre. Bon débarras.
Quatre centres de compétences seront créés en Belgique, permettant de limiter dans le pays les suppressions de postes, conformément aux engagements pris vis-à-vis de l’Etat belge.
Pour créer une diversion, on va donner de nouvelles responsabilités et un nouveau chef à un tas de gens. Le temps qu’ils comprennent ce qu’on leur demande, ça devrait les occuper quelques années. Persuadés qu’ils ont un nouveau rôle à jouer, ils ne feront pas grève.
BNP Paribas a définitivement acquis le 12 mai 75 % de Fortis Banque, nationalisée en octobre 2008. La banque a été rebaptisée depuis BNP Paribas Fortis.
BNP Paribas a reçu un beau cadeau de l’Etat belge l’année dernière. Encore merci à tous.
Dans la banque de détail, les synergies (252 millions d’euros) proviendront principalement « de l’optimisation des réseaux et de la meilleure utilisation des technologies ».
Dans les activités qui concernent en premier lieu Monsieur Tout le Monde, on va réduire les budgets en ne remplaçant pas les PC défectueux. Le client aura toujours droit au sourire gêné de la crémière, mais il devra repasser plusieurs fois en agence pour avoir droit à une simulation de crédit.
BNP Paribas avait indiqué en septembre qu’elle fermerait en France quarante agences Fortis et vingt centres d’affaire, sans procéder à des licenciements ou mettre en place de plan de départ volontaire.
BNP Paribas avait annoncé auparavant qu’elle recaserait une partie de son personnel français.
Concernant la banque de financement et d’investissement, l’essentiel des économies (368 millions d’euros) proviendra de l’intégration des activités de Fortis dans le secteur à la plateforme mondiale CIB (Corporate and Investment Banking) de BNP Paribas.
En ce qui concerne les activités les plus risquées de la banque, celles qui lui ont rapporté des milliards quand tout allait bien, mais ont plongé toute la planète dans le rouge quand il s’est avéré que ces gens ne brassaient que du vent, on préfère écrire une phrase qui ne veut rien dire parce que, de toute façon, on ne changera rien.
131 millions d’euros de synergies seront encore dégagées dans la branche Investment Solutions (banque privée, gestion d’actifs, métiers titres, activités d’assurance…), et 149 pour les fonctions centrales.
Ici aussi, on préfère rester vague. Nos clients fortunés auraient trop peur qu’on leur serve du Crémant d’Alsace à la place de la Veuve Clic.
Le coût de la restructuration est évalué à 1,3 milliards d’euros sur la période 2009-2011 (200 millions en 2009, 800 millions en 2010, 300 millions en 2011). Ce coût mis à part, l’opération sera relutive (elle permettra une hausse du bénéfice par action) dès 2010. L’intégration des deux entités aura un impact positif de 8,5 % sur le bénéfice en 2012 « lorsque toutes les synergies produiront leurs résultats », espère BNP Paribas. Le retour sur capitaux investis devrait être supérieur à 20 % à cette date.
Nous avons coulé la planète à cause des promesses intenables que nous avons faites à nos actionnaires. Pour éviter le séisme, le contribuable a dû se vider les poches. Merci les gars, nos actionnaires vous en sont reconnaissants. A l’occasion, venez nous saluer. On vous servira une coupette de Crémant tiède.
Le même communiqué en vidéo:
3 commentaires:
j'ai tenu.
J'ai un poreau qui tourne devans mes yeux depuis ce matin mais bon.
T'as vu que y avait des vidéos de la version originale chantée par un quatuor? yo do daleï yo dali douda puti puta poutoum padam.
J'en parle demain en réunion d'équipe pour qu'on mette ça en musique de fond sur notre site. Merci qui? merci new kicks
C'est quoi ton délire sur les poreaux, Slim ?
Et, Al, on ne va même pas évoquer la communication interne où certaines infos relayées par toute la presse du pays et qui concernent en premier lieu les membres du personnel ne figurent même pas... étonnant, non ?
LQ
"réfléchir, c'est déjà commencer à désobéir"...c'est nul comme principe de vie en communauté...ça finira par craquer.
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