Le hip hop, c'est comme la chimie: je n'y connais rien de rien. Pour la chimie, la raison est simple: à l'école, il fallait bien faire un choix entre les différentes matières, autrement, j'aurais dû suivre des cours de 6 à 23 heures, 7 jours sur 7. Ce sont donc les sciences qui sont passées à la trappe au profit des lettres et des langues étrangères. Maladroit comme je suis, je trouvais moins dangereux d'expérimenter avec la grammaire italienne qu'avec des éprouvettes remplies de je ne sais quelle substance potentiellement capable de faire sauter tout le quartier.
Pour mon ignorance en hip hop, il faut également remonter à mon adolescence. A l'époque le monde se divisait en deux. Pas entre ceux qui avaient une arme et ceux qui creusaient, mais bien entre EUX et NOUS.
EUX, c'étaient ceux qui roulaient des mécaniques parce qu'à 16 ans, ils avaient déjà l'immense honneur d'user leurs shorts sur les bancs des noyaux C du Sporting de Charleroi ou de l'Excelsior de Mouscron. La perspective d'une brillante carrière sur les pelouses des plus grands clubs d'Europe leur conférait cet air arrogant qui les autorisait à marcher les jambes arquées, le 501 remonté au-dessus du nombril pour que la couture leur rentre bien profond dans le cul. Les tifs gominés qui ressemblent plus à des tagliatelles qu'à des cheveux, les rouflaquettes taillées en pointes, le blouson Zino & Judy, le parfum capiteux aspergé outrancièrement, ces Zack Morris du Borinage pensaient dominer le monde parce que trois demi-pétasses acceptaient volontiers de partager avec eux une mitraillette fricadelle sauce Bicky au-dessus, sauce américaine en-dessous. Niveau musical, ces footeux écervelés que nous avions baptisés «les Gringo» (n'y voyaient aucune allusion raciste, l'immigration mexicaine est restée très limitée dans le Borinage) ne juraient que par Tupac, Dr. Dre et 113.
En réaction contre la domination de ces nouvelles idoles du ballon rond, NOUS, nous rejetions en bloc tout ce qui les unissait: le foot et le sport en général, les fringues Levi's, le gel capillaire... et le hip hop. Nous, qu'en retour ils baptisaient «les morts», nous préférions lancer le concours de celui qui tiendrait le plus longtemps sans changer de futal, nous teindre les longs cheveux en bleu et, évidemment, écouter tout ce qui s'éloignait le plus de ce que nous considérions comme leur sous-culture, j'ai nommé le hip hop, le R&B, voire la soul (quel crime). Voilà comment nos sacs à dos tagués MAG (Mort aux Gringo's) se sont retrouvés encombrés de cassettes de Sonic Youth, des Pixies et de Tool.
Nous avions 16 ans, nous étions cons comme des balais, mais voilà comment un simple repli identitaire causé par la starification des joueurs de foot a systématiquement balayé de mon univers musical tout ce qui ressemblait de près ou de loin au hip hop. Aujourd'hui encore, malgré plus de 10 années qui se sont écoulées depuis ce schisme fondamental, je peine à m'intéresser au hip hop.
C'est pourquoi cette double compilation du label Big Dada, succursale hip hop des britanniques de Ninja Tune, tombe à point nommé. Elle permet d'attester de la richesse et de la variété de ce courant musical, des racines reggae de Roots Manuva aux textes décalés des Français de TTC, du phrasé agressif d'Infesticons aux textures jazzy de Ty. Il y en a pour tous les goûts. Forcément, tout ne me plait pas (c'est le propre des compilations), mais ce double CD a le mérite de restaurer l'image d'une musique salement écornée par les clichés véhiculés par les clips vidéo des fumistes à la Puff Dady : des nanas à moitié à poil, des Hummer rose bonbon et des chaînes en or qui font bling bling.
Pour les incultes comme moi, c'est un document essentiel.
Les liens intéressants :
www.bigdada.com
Pour mon ignorance en hip hop, il faut également remonter à mon adolescence. A l'époque le monde se divisait en deux. Pas entre ceux qui avaient une arme et ceux qui creusaient, mais bien entre EUX et NOUS.
EUX, c'étaient ceux qui roulaient des mécaniques parce qu'à 16 ans, ils avaient déjà l'immense honneur d'user leurs shorts sur les bancs des noyaux C du Sporting de Charleroi ou de l'Excelsior de Mouscron. La perspective d'une brillante carrière sur les pelouses des plus grands clubs d'Europe leur conférait cet air arrogant qui les autorisait à marcher les jambes arquées, le 501 remonté au-dessus du nombril pour que la couture leur rentre bien profond dans le cul. Les tifs gominés qui ressemblent plus à des tagliatelles qu'à des cheveux, les rouflaquettes taillées en pointes, le blouson Zino & Judy, le parfum capiteux aspergé outrancièrement, ces Zack Morris du Borinage pensaient dominer le monde parce que trois demi-pétasses acceptaient volontiers de partager avec eux une mitraillette fricadelle sauce Bicky au-dessus, sauce américaine en-dessous. Niveau musical, ces footeux écervelés que nous avions baptisés «les Gringo» (n'y voyaient aucune allusion raciste, l'immigration mexicaine est restée très limitée dans le Borinage) ne juraient que par Tupac, Dr. Dre et 113.
En réaction contre la domination de ces nouvelles idoles du ballon rond, NOUS, nous rejetions en bloc tout ce qui les unissait: le foot et le sport en général, les fringues Levi's, le gel capillaire... et le hip hop. Nous, qu'en retour ils baptisaient «les morts», nous préférions lancer le concours de celui qui tiendrait le plus longtemps sans changer de futal, nous teindre les longs cheveux en bleu et, évidemment, écouter tout ce qui s'éloignait le plus de ce que nous considérions comme leur sous-culture, j'ai nommé le hip hop, le R&B, voire la soul (quel crime). Voilà comment nos sacs à dos tagués MAG (Mort aux Gringo's) se sont retrouvés encombrés de cassettes de Sonic Youth, des Pixies et de Tool.
Nous avions 16 ans, nous étions cons comme des balais, mais voilà comment un simple repli identitaire causé par la starification des joueurs de foot a systématiquement balayé de mon univers musical tout ce qui ressemblait de près ou de loin au hip hop. Aujourd'hui encore, malgré plus de 10 années qui se sont écoulées depuis ce schisme fondamental, je peine à m'intéresser au hip hop.
C'est pourquoi cette double compilation du label Big Dada, succursale hip hop des britanniques de Ninja Tune, tombe à point nommé. Elle permet d'attester de la richesse et de la variété de ce courant musical, des racines reggae de Roots Manuva aux textes décalés des Français de TTC, du phrasé agressif d'Infesticons aux textures jazzy de Ty. Il y en a pour tous les goûts. Forcément, tout ne me plait pas (c'est le propre des compilations), mais ce double CD a le mérite de restaurer l'image d'une musique salement écornée par les clichés véhiculés par les clips vidéo des fumistes à la Puff Dady : des nanas à moitié à poil, des Hummer rose bonbon et des chaînes en or qui font bling bling.
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